Lot n° 95

Valéry (Paul). Lettre autographe signée [à Robert de Flers]. Bruxelles, [1925]. 3 pp. 1/2 in-8. Belle lettre sur les manreuvres entourant sa candidature à l'académie française. Deux fauteuils étaient à pourvoir depuis l'automne 1924, celui du...

Estimation : 300 / 400
Adjudication : 1 100 €
Description
comte d'Haussonville et celui d'Anatole France. Valéry brigua d'abord celui d'Haussonville, mais devant la candidature du duc de la Force, soutenu par le « parti des ducs », il demanda à être admis à celui de France, contre Léon et Victor Bérard. « ceci m'est Dur à écrire. je fais ce qui me choque et me peine. je me porte - ou pLutót,je suis porté - vers Le fauteuiL france. Quand je me suis vu évincé avant le combat par le coup de partie que vous savez, j'ai résolu de me retirer. Une demi- douzaine de mes partisans étaient contraints de m'abandonner. Rien de plus ordinaire, sans doute, que ces catastrophes qui sont aussi essentielles aux élections de l'Académie qu'elles l'étaient aux tragédies classiques. Mais j'ai néanmoins été frappé, en considérant l'ensemble de la situation, de l'étrange inégalité des appétits à l'égard des divers fauteuils. Le d'Haussonville était comme favori, et l'objet d'une concupiscence multiple et compliquée. Les autres semblaient n'attirer que le plus petit nombre des prétendants. j'en ai concLu que La nouveLLe canDiDature qui aLtérait si Dangereusement ma position avait été Dirigée contre L'inDésirabLe que je puis être. Cette distinction m'honore. j'ai Donc été sur Le point D'écrire une Lettre très faciLe, quanD iL m'a été formeLLement DemanDé De réponDre àL'éLégante man&uvre par un mouvement sur L'échiquier. On m'a donné, pour me persuader, bon nombre de raisons dont la plus substantielle était que je n'avais rien à perdre ; la plus subtile étant que je nuisais le moins du monde aux candidats déjà déclarés pour le fauteuil de France. On me disait que le succès d'aucun des deux n'était en l'état rien moins qu'assuré. Mais moi, j'ai ressenti très désagréablement l'idée d'entrer en compétition avec l'un et l'autre Bérard? Je les connais à peine ; mais ce peu m'a montré des hommes très aimables et fort distingués, chacun selon sa nature. J'ajoute que l'un d'eux m'a donné un ruban, et que je ne suis pas sans mémoire. J'ai dit tout ceci. J'ai dit bien autre chose. J'ai dit que je savais combien j'allais heurter vos sentiments et contrarier vos souhaits ; et quel ennui, au sens le plus fort du mot, j'allais éprouver si je cédais à la suggestion... Je suis donc horriblement gêné vis-à- vis de vous. Ce n'est pas dire peu. L'occasion de l'Académie m'a valu de vous connaitre et de trouver en vous l'appui le plus constant, le plus amical, le plus net. je me Disais que c'était Là Le véritabLe bénéfice De ces commerces, et que rencontrer queLques esprits De quaLité, faire D'heureuses Découvertes vaLait bien qu'on se risquât asseZ Loin De soi. La véritabLe acaDémie est seLon moi une compagnie toute natureLLe ; mais La véritabLe n'est sans Doute pas La réeLLe, puisque me voici, aimant votre esprit, votre humeur, votre manière de voir et de juger, - en un mot, votre genre d'être libre et humain,amené, induit, presque contraint, à traverser vos désirs et à faire figure d'adversaire ! Vous n'imaginez pas à quel point j'en suis péniblement affecté... »
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