Lot n° 166

Anne FERRAND, née Anne Bellinzani, dite « la Présidente Ferrand » (1657 ?-1740) femme de …

Estimation : 800 - 1 000 EUR
Adjudication : 896 €
Description
Anne FERRAND, née Anne Bellinzani, dite « la Présidente Ferrand » (1657 ?-1740) femme de lettres ; elle avait épousé en 1676, contrainte et forcée, Michel Ferrand, président de la première Chambre des Requêtes dont elle se sépara dix ans plus tard ; elle eut avec le baron de Breteuil une liaison qu’elle transposa dans son Histoire nouvelle des amours de la jeune Bélise et de Cléante (1689). L.A., Paris, 23 août [1719], au comte Charles-Henry de Hoym à Vienne (1694-1736) ; 9 pages in-4, enveloppe avec cachet de cire rouge à tête antique.
Belle et rare lettre donnant les nouvelles du temps de la Régence.
Elle n’a pu répondre plus tôt au comte : « jai pris des Eaux qui ont produit des effets qui mont mis hors destat descrire, les chaleurs sont extremes cette année et les foibles santéz sont encore affoiblies par la ». Elle a en outre été inquiète pour la santé de son fils… Puis elle évoque ses ennuis causés par l’abbé Lenglet-Dufresnoy et R. [Rémond ?, qui l’avaient impliquée dans des conspirations contre le Régent] : « ces deux hommes la sont les seuls qui mont fait sentir ma disgrace, et jai conservé jusqu’a mes amis du palais Roial ; tous se sont mesme rechauffes pour moi »... Elle se réjouit de la nouvelle du retour d’Hoym, et parle de son amie la princesse de Carpegne, revenue de Rome : « Elle a beaucoup desprit, un grand usage du monde et elle a comme moy besoin d’aimer ; ainsi elle est fort propre au commerce et a lamitié. Je puis mesme vous assurer que son age ni le mien ne nous rendent pas plus tristes et dhumeur plus chagrine et que nous faisons quelquefois de petits repas dont vous vous acomoderiez fort et ou il ne nous manque que vous. Elle vous connest déjà et souhaitte vostre retour ; comme celui d’un de ses amis tant elle est persuadée que vous seriez du nombre ».
 Puis elle parle des affaires publiques, de Law qui a « tout largent du royaume et que le Roy trouve par la banque des secours qui lui espargne demprunter à gros interest et de mettre des imposts » ; de la guerre avec l’Espagne : « on a perdu beaucoup de monde de maladie & depencé beaucoup dargent » ; du blocus de Saint-Sébastien, du prince de Conti malade, des nouvelles de Sicile toujours incertaines mais où les Impériaux ont subi des revers ; de la mort de la duchesse de Berri « d’une façon bien terrible » ; du Régent qui s’est fait une entorse ; des Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture de l’abbé Dubos, « un etrange livre : point de stile, point dordre, aussi peu de justesse et de goust » ; de la folie pour le Mississipi (la Compagnie d’Occident créée par Law) : « on se tüe pour vendre et pour achepter des actions. […] Les plus grands seigneurs ne bougent de chez les agens de change ; c’est une manie si generale et si outrée que tout ce que je puerois vous en dire ne vous feroit pas comprendre ce qui se passe ici ; il me paroitroit aisé de se consoler de n’avoir pas ce mississipi mais je suis inconsolable de voir lamour de largent éteindre tout autre goust et je ne puis trouver les plus jolies femmes aimables en les voyant ocupées du matin au soir de billets de banques et dactions sur mississipi ; elles vendent leurs pierreries pour y mettre ; dieu sçay si elle niront point plus loin ». Elle termine en annonçant l’arrivée du prince de Soubise et la reddition de Saint-Sébastien…
Baron Jérôme Pichon, Vie de Charles-Henry, comte de Hoym, ambassadeur de Saxe-Pologne en France et célèbre amateur de livres (Paris, Techener, 1880, p. 215-219).
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