Description
«Les dépêches me sont enfin parvenues, elles ne sont pas toutes également aimables, mais comme j'avais supposé beaucoup d'inégalités dans votre humeur cela ne m'a point surpris, c'est l'effet sans doute de votre indisposition et comme je suis malade moi-même je sais parfaitement compatir aux boutades des autres. J'évite soigneusement de dire des injures et je vous engagerai à faire de même parce que tôt ou tard on en éprouve du regret, ce n'est pas pour moi seulement que je me promets de vous donner ce conseil, je vous avais bien comprise, mais pour d'autres que cela pourrait étonner [...]. Si vous me haïssiez moins je vous dirais encore quelques bonnes vérités utiles par suite de ma bienveillance ordinaire mais je ne m'en sens plus la force depuis que j'ai la certitude, que sans vous être profitable votre ingénieux esprit les ferait tourner contre moi. Je puis être méchant, je dois l'être même puisque vous l'avez deviné mais ce que je n'ai jamais fait ni voulu faire c'est de désoler et d'humilier sans raison une personne comme vous qui ne m'a jamais fait de mal et dont je n'ai nullement à me plaindre, et qui, m'ayant recherché comme quelque chose de précieux a vu trop promptement s'évanouir l'illusion. Aussi aurai-je éternellement le regret de n'avoir pu réaliser les agréables images que vous aviez composées à mon sujet. Qu'est-ce que tout cela signifie, m'allez vous dire, car je vous connais bien, le pauvre cher ange n'est plus qu'un monstre et il aurait bien mauvaise grace à vouloir plaisanter aujourd'hui, et cependant qu'a-t-il fait ? Me déclarer en face que de ce moment tout est fini pour de bon, lorsque je ne demandais que quelques jours pour ravoir ma raison et le calme dont vous m'avez privé quelques pauvres jours à la campagne et je revenais plus frais et plus dévoué voilà donc le grand crime car pour ma lettre elle sentait le désordre et la résignation au malheur»... Et cependant Cécile lui reproche de l'avoir traitée de perfide : «c'est une preuve de l'empire que vous avez sur les gens de leur faire voir ce que vous voulez [...] et j'ai assez prouvé, je crois, à Cécile que sa phisionomie n'avait rien que d'obligeant et d'aimable et que... ceci va être encore mal interpreté, vraiment je ne puis rien dire, assez prouvé ! Et comment prouve t on, et bien je n'ai rien prouvé, seulement il est facile, par l'accueil, par l'air, par les manières, par le ton, par... enfin il y a mille moyens, de prouver sans... précisément... prouver savez vous la musique ? Je vous noterais un grazzioso qui ne serait point de l'amour et qui vous ferait comprendre dabord je n'ai d'amour pour personne et lidée de le ressentir jamais me fait frissonner... Vous figurez vous ? Dieux une passion ! Et quand on ne se comprend ni l'un ni l'autre»...
L.A., [August ? 1822, to Mme TROUILLARD] ; 3 pages in-4. — Struggle with his mistress, who is staying by the sea. "The dispatches have reached me at last, they are not all equally kind, but as I had supposed many inequalities in your mood this did not surprise me, it is the effect no doubt of your indisposition and as I am ill myself I know perfectly well how to sympathise with the jokes of others. I carefully avoid saying insults and I will urge you to do the same because sooner or later one feels regret, it is not only for myself that I promise to give you this advice, I had understood you well, but for others whom it might surprise [...]. If you hated me less I would still tell you some good and useful truths as a result of my ordinary benevolence, but I no longer feel the strength to do so since I am certain that, without being profitable to you, your ingenious mind would turn them against me. I can be wicked, I must even be wicked since you have guessed it, but what I have never done nor wanted to do is to desolate and humiliate without reason a person like you who has never done me any harm and of whom I have no reason to complain, and who, having sought me as something precious, has seen the illusion vanish too quickly. So I shall be eternally sorry that I could not realize the pleasant images you had composed of me. What is the meaning of all this, you will tell me, for I know you well, the poor dear angel is a monster, and he would have a bad grace to want to joke today, and yet what has he done? Declaring to my face that from this moment on everything is over for good, when all I asked for was a few days to regain my sanity and the calm of which you deprived me for a few poor days in the country and I came back fresher and more devoted, that is the great crime, for my letter smacked of disorder and resignation to misfortune"... And yet Cécile reproaches him for having called her perfidious : "It is a proof of the empire you have over people to make them see what you want [...] and I have proved enough, I think, to Cécile that her phisionomy was nothing but obliging and amiable and that... this is going to be misinterpreted again, really I can't say anything, proven enough! And how does one prove, well, I haven't proved anything, only that it is easy, by the welcome, by the air, by the manners, by the tone, by... well there are a thousand ways, to prove without... precisely... to prove do you know music? I would write down for you a grazzioso which would not be love and which would make you understand first of all that I have no love for anyone and the thought of ever feeling it makes me shiver... Can you imagine? Gods a passion! And when neither of us understands the other"...