Description
de l'époque, l'étiquette du dos a disparu). — Précieux manuscrit préparatoire de son essai sur la vie et l'œuvre de Hokusai, le grand maître de l'estampe japonaise.
Hokousaï (1896), livre-culte, représente une étape fondamentale dans l'histoire de l'art, aux croisées du japonisme et de l'impressionnisme. Œuvre pionnière, Hokousaï exerça une extraordinaire influence en Occident comme au Japon, et demeure toujours un ouvrage de référence.
Première monographie sérieuse sur un artiste japonais, il fut lu aussi bien par les peintres français - Monet en possédait un exemplaire - que par les Japonais eux-mêmes, chez qui il provoqua la naissance de la critique d'art moderne. Hokousaï marque l'apogée du japonisme, source de renouvellement pour la peinture occidentale. L'admiration pour l'art nippon se développa après la réouverture du pays aux occidentaux vers le milieu du XIXe siècle. Les estampes, et notamment celles de Hokusai, influencèrent alors durablement le style d'artistes français - dont plusieurs étaient collectionneurs - comme Bonnard, Cézanne, Gauguin, Manet, Monet, Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Vuillard... Edmond de Goncourt, amateur d'art passionné, fut un japonisant de la première heure : il réunit parmi les premières collections d'estampes japonaises en France, et conçut l'ambitieux projet d'une véritable encyclopédie des ukiyo-e dont Hokousaï s'avère le seul véritable volume parfaitement achevé.
Le 25 mai 1888, Goncourt écrivit dans son Journal : «Je voudrais écrire sur l'art japonais un livre dans le genre de celui que j'ai écrit sur l'art du dix-huitième siècle, un livre moins documentaire, mais un livre encore plus poussé vers la description pénétrante et révélatrice des choses». Et en tête de son livre, il déclarait : «Aujourd'hui, je donne pour la première fois, dans une langue de l'Europe, la biographie inconnue d'Hokousaï, le plus grand artiste de l'Extrême-Orient».
Les carnets sont numérotés de 1 à 4, avec des numéros 3 «(double)» et 4 «(double)». Ce sont des notes de premier jet, à l'encre. Presque tous les paragraphes ont été biffés par Goncourt de traits verticaux au crayon bleu pour indiquer qu'il les a utilisés dans son livre ; quelques rares notes sont écrites avec ce même crayon bleu. On relève dans ces carnets 5 croquis originaux. Ce manuscrit présente également quelques notes autographes de son ami et marchand d'art japonais Tadamasa HAYASHI. Ce marchand d'art, ami de Monet et Degas, fut un acteur majeur du dialogue artistique nippo-européen ; un des premiers Japonais francophones, il s'affirma comme un des plus grands marchands d'art japonais au monde. Il se fit l'ardent défenseur de cet art en France (et au Japon même, où les estampes étaient alors peu considérées), mais aussi l'introducteur de l'impressionnisme au Japon. Ce manuscrit préparatoire de Hokousaï révèle ainsi le travail de collaboration entre Goncourt et ce savant japonais, Tadamasa HAYASHI, qui a rédigé lui-même quelques notes (environ un dixième du texte). Pour contourner l'obstacle de la langue, comme pour s'informer sur les grandes collections privées, Goncourt travailla en effet avec Tadamasa Hayashi, en échangeant une fructueuse correspondance mais surtout en le faisant venir chez lui à Auteuil. La connaissance livresque du Japon que Goncourt avait acquise se trouva transformée par les précisions d'Hayashi ; il put donner la première définition de nombreux termes japonais (dont ukiyo-e), et compléter ses sources livresques.
Goncourt a rassemblé dans ces notes le plus possible d'éléments biographiques sur Hokusai, les copies de ses lettres, et de textes sur lui. Il a dressé une description détaillée de tous les albums d'Hokusai, de ses estampes et dessins (parfois avec les dimensions), avec indications des dates et du libellé des signatures. Goncourt a noté parfois des questions à poser à Hayashi, qui y a souvent répondu lui-même de sa main. — Le 4e cahier est intitulé «Sourimonos et Dessins», avec cette note : «à voir s'il faut faire un morceau sur le dessin d'Hokousai - d'après nature ou de mémoire». — Citons quelques brefs passages de ces carnets. «Et les dessins d'Hokousai très fort sans demi-teinte, avec une grande partie lumineuse, et l'ombre reserrée et rose». «Femme lisant une pièce de théâtre dans un mouvement de tête baissée un peu baissée coloration de la femme un peu de pierrot, mais dans une robe à tons changeants semée de fleurettes sur lesquelles tranche ton verdâtre de la ceinture dessin géométrique jaune un oiseau volant au dessus de sa tête»
Une des rares notations non biffées : «des aquarelles au bariolage curieux, les jaunes en teinte plate et unie tout du long mais des coups de pinceau laissant toutes les lumières d'une teinte rose, d'un ton bleu fait par le blanc du papier » ; et en marge « procédé qui met pour ainsi dire un miroitement »
PROVENANCE
Edmond de Goncourt (son ex-libris gravé par Gavarni) ; puis Alidor
Delzant (secrétaire et exécuteur testamentaire de Goncourt ; son ex-libris
gravé par L. Loviot).
EXPOSITIONS
Exposition Goncourt, Gazette des Beaux-Arts, 1933 ; et Les Goncourt et
leur temps, Musée des Arts décoratifs, 1946.
— On joint l’édition originale de Hokousaï (Charpentier, 1896), reliée
demi-maroquin rouge à coins.
Autograph manuscript, Japanese Notes. Hokusai, [ca. 1895-1896] ; 201 ff. in-12 in 6 small quires (ca. 16.5 x 11.3 cm), all bound in one in-12 volume, bradel of ivory vellum with overlays (contemporary binding, spine label missing). — Precious preparatory manuscript of his essay on the life and work of Hokusai, the great master of Japanese printmaking. — Hokusai (1896), a cult book, represents a fundamental step in the history of art, at the crossroads of Japonism and Impressionism. A pioneering work, Hokusai exerted an extraordinary influence in the West as well as in Japan, and still remains a reference work. The first serious monograph on a Japanese artist, it was read by French painters - Monet owned a copy - as well as by the Japanese themselves, for whom it provoked the birth of modern art criticism. Hokusai marked the apogee of Japanese art, a source of renewal for Western painting. Admiration for Japanese art grew after the country was reopened to the West in the mid-19th century. Prints, especially those of Hokusai, had a lasting influence on the style of French artists - many of whom were collectors - such as Bonnard, Cézanne, Gauguin, Manet, Monet, Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Vuillard... Edmond de Goncourt, a passionate art lover, was a Japanese enthusiast from the start : he assembled one of the first collections of Japanese prints in France, and conceived the ambitious project of a veritable encyclopaedia of ukiyo-e, of which Hokusai is the only true and perfectly completed volume. — On May 25, 1888, Goncourt wrote in his Diary : "I would like to write a book on Japanese art in the style of the one I wrote on the art of the eighteenth century, a book less documentary, but a book even more pushed towards the penetrating and revealing description of things. And at the beginning of his book, he declared : "Today, I give for the first time, in a European language, the unknown biography of Hokusai, the greatest artist of the Far East. — The notebooks are numbered from 1 to 4, with numbers 3 "(double)" and 4 "(double)". These are first draft notes, in ink. Almost all the paragraphs have been crossed out by Goncourt with vertical lines in blue pencil to indicate that he used them in his book ; a few rare notes are written with the same blue pencil. There are five original sketches in these notebooks. This manuscript also contains some autograph notes from his friend and Japanese art dealer Tadamasa HAYASHI. This art dealer, a friend of Monet and Degas, was a major player in the Japanese-European artistic dialogue ; one of the first French-speaking Japanese, he became one of the greatest Japanese art dealers in the world. He was an ardent defender of this art in France (and in Japan itself, where prints were not highly regarded at the time), but also the introducer of impressionism in Japan. This preparatory manuscript of Hokusai thus reveals the collaborative work between Goncourt and this Japanese scholar, Tadamasa HAYASHI, who himself wrote a few notes (about a tenth of the text). To get around the language barrier, as well as to learn about the great private collections, Goncourt worked with Tadamasa Hayashi, exchanging a fruitful correspondence, but above all by having him come to his house in Auteuil. Goncourt's bookish knowledge of Japan was transformed by Hayashi's insights ; he was able to give the first definition of many Japanese terms (including ukiyo-e), and to supplement his bookish sources. — Goncourt has gathered in these notes as much biographical information about Hokusai as possible, copies of his letters, and texts about him. He gave a detailed description of all Hokusai's albums, prints and drawings (sometimes with dimensions), with dates and signature labels. Goncourt sometimes wrote down questions to ask Hayashi, who often answered them himself in his own handwriting. — The fourth notebook is entitled "Sourimonos and Drawings", with this note : "to see if a piece should be made on Hokusai's drawing - from nature or from memory". — Let us quote some brief passages from these notebooks. "And Hokousai's drawings very strong without halftones, with a large bright part, and the shadow constricted and pink". "Woman reading a play with her head lowered a little lowered, the woman's colouring a little like a pierrot, but in a dress with changing tones, sown with flowers on which the greenish tone of the belt slices through the geometric yellow design, a bird flying over her head" — One of the few notes not crossed out : "watercolours with a curious bariolage, the yellows in a flat and plain tint throughout, but brushstrokes leaving all the lights in a pink tint, a blue tone made by the white of the paint".