Description
Très intéressante correspondance au collectionneur et critique d'art allemand, auteur d'une monographie sur le peintre norvégien. [Curt GLASER (1879-1943), historien et critique d'art, fut assistant puis conservateur au Kupferstichkabinett de Berlin, puis à la Bibliothèque d'art de Berlin, avant d'être destitué par les nazis. Collectionneur des expressionnistes allemands et de Munch, il a consacré à ce dernier plusieurs articles dès 1902, et une monographie publiée chez Cassirer en 1917. Une amitié de 25 ans a lié les deux hommes, qui ne se sont rencontrés que six fois ; en juin 1913, Munch a peint les portraits de Glaser et de sa femme Elsa ; et juste avant la guerre de 1914, Glaser vint voir Munch en Norvège, après une visite à Lübeck au collectionneur Max Linde, afin de compléter la documentation de son livre.]
•[13.X11.1912]. La lettre de Glaser est arrivée quand Munch voyageait entre Kragerö et Holsten. Il regrette de comprendre difficilement l'allemand. Il remercie Glaser de tout ce qu'il a fait pour son art («mein Dankbarkeit für alles was Sie für mein Kunst gethan haben»), notamment par ses articles chaleureux dans les journaux, et sa belle conférence à Iéna. Cela fait longtemps qu'il voit la signature de Glaser au bas d'articles élogieux, à une époque où il n'avait que très peu d'amis et où ses ennemis étaient nombreux, et il était ainsi réconforté en ces temps difficiles : «es ist nicht nur in der letzten Zeit, wo ich doch mehr schon verstanden bin, aber wie lange ist es nicht, ich Ihre Signatur unter freundlichen und lobenden Artikeln gelesen habe in einer Zeit, wo meine Freunde sehr, sehr wenige waren, aber der Feinde viele. Diese haben uns sehr oft an schweren Tagen erfreut». Il va lui faire parvenir la photo de ses travailleurs («Arbeiterbild», probablement Travailleurs dans la neige). Il espère rencontrer bientôt Glaser lors de son voyage à Berlin...
•Kragerø [fin 1913]. Au sujet de la préparation de son exposition à Berlin chez GURLITT en janvier, puis à Francfort ; il veut l'organiser le mieux possible, grâce à l'aide de Glaser et de Gurlitt, avec des peintures de différentes époques, ne voulant donner qu'un aperçu de sa période claire : «Es ist wichtich das die Ausstellung gut wird, und mit Gemalden von mehreren Perioden. Augenblicklich bin ich in eine Periode wo ich mich ein Bischen sammelt. Habe deswegen ein wenig die ganz klare Periode verlassen. Es wird aber wieder kommen. Deswegen muss mehreren alteren Gemälden gebracht werden». Il cite les collectionneurs privés dont il a fait les portraits (Esche, Max Linde, Rathenau, Glaser, etc.), etc., et évoque ses décorations pour lesquelles les critiques sont très bonnes ou très mauvaises : «Wie geht es mit den Dekorationen. Ich habe mehrere sehr gute Besprechungen bekommen, auch ein paar ganz schlechten»...
•[1914]. Le Zeitschrift für Deutsche Kunst und Dekoration lui a demandé l'autorisation de photographier et reproduire ses décorations. Il se demande si c'est lié au travail de Glaser. Il s'inquiète de l'autorisation qu'il avait déjà donnée. Kunst und Kunstler aimerait bien reproduire Die Geschichte [une des peintures décoratives pour l'université d'Oslo], mais Munch ne peut revenir sur une autorisation donnée ; et il charge Glaser de résoudre ce problème. Il a bien reçu les photographies de la salle, et aimerait que le photographe prenne aussi le panneau décoratif et le bateau à vapeur chez Glaser : «Ich habe Fotografen des Saals erhalten. Besten Dank. Vielleicht wird derselbe Fotograf auch das dekorative Bild und das Dampfschiff bei Ihnen fotografieren». Il aimerait savoir comment se passe l'exposition chez GURLITT : «Ich bin neugierig wie es mit der Gurlitt Ausstellung geht. Nun wird ja Gurlitt es erst im Februar arangieren. In allem Falle muzs die Ausstellung gut werden»...
•Christiania, Victoria Hotel, [vers 1914-1915]. Glaser est bien bon, en ces temps difficiles, de penser à son ami en Norvège : «Es ist schön das Sie in diesen für Ihnen so grozse Zeiten auch an Ihr Freund in Norwegen denken». Il avait depuis longtemps préparé une lettre détaillée pour Glaser [probablement le manuscrit ci-dessous, Anmärkungen], mais il n'arrive pas à écrire, et cette lettre est la troisième qu'il ait pu écrire depuis 3 mois : «Ich habe schon lange ein ausführliches Brief am Ihnen angefangen. Aber es geht nicht, ich bin jetzt ganz unmöglich mit Schreiben. Der Brief ist das dritte das überhaupt in 3 Monaten geschrieben habe»... Il travaille un peu à l'Alma Mater [une des peintures décoratives pour l'université d'Oslo], mais pense que la première idée est la meilleure : «Ich arbeite an Alma Mater ein Bischen, ich glaube aber die erste Auffassung ist das beste». Il pense beaucoup à ses amis d'Allemagne...
•[Fin 1921]. Il évoque la préparation de ses expositions à Bâle (« die Basel-Ausstellung ») et à Zurich, pour laquelle le Dr Wartmann [directeur du Kunsthaus de Zurich] est venu ; mais Munch ne pouvait guère l’aider, car il devait terminer ses 12 grandes décorations [pour l’université d’Oslo] en profitant de d’été : « es war beinahe peinlich als es uns nicht
möglich gewesen war aber viel zu helfen. Ich muzte ja die 12 grossen Dekorationen fertig haben, und die Sommerzeit muß ich ja hauptsächlich brauchen ». Il pensait aller avant Noël à Berlin et en Suisse, mais il devait terminer les décorations pour octobre. Tout cela, le travail, l’exposition de Zurich et la venue de Wartmann l’ont à nouveau rendu insomniaque et nerveux (« wieder sehr schlaflos und nervös »). Il parle ensuite de la
réédition du livre de Glaser…
•Skoien 6.I.1922. Les jours passent, et il ne peut bouger : maladies, grosses commandes, grèves des trains… Il doit terminer un grand tableau : un cheval blanc, un cheval noir et la neige blanche, ça peut être beau !: « Die Tagen gehen und ich komme nicht zu fahren – Krankheiten, grozse Auftragen, Eisenbahnstreiken kommen immer wieder im Wege. Ein
grozses Bild, ist in Auftrag und muzs fertig werden. Es ist ein wheiszes Pferd, ein schwarzses Pferd und der wheisze Schnee. Es kann schön werden! Nicht wahr? » Il est en négociation pour une grande décoration, une cantine de travailleurs d’une usine [la fabrique de chocolat Throne-Holst], pour laquelle il va prendre des motifs d’Aasgaardstrand : « Dann bin ich Unterhandlung um einen grozsen dekorations Auftrag. Es ist ein grozse Speisezimmer für die Arbeiteren in einer Fabrik. – Ich denke daran Motiven aus Aasgaardstrand zu nehmen ».Il espère être dans 14 jours à Berlin, où il aimerait parler avec Cassirer de l’exposition de Zurich, qu’il pense plutôt organiser en mai ou plus tard, pour y montrer du nouveau (« Denn hoffe ich was neues schiecken zu können »). Il se réjouit que les peintures de Cassirer et la collection de Glaser figurent dans l’exposition…
•Ekely 10.X.1931. Renseignements sur un tableau de Düsseldorf, peint en 1916 à Ekely. Il vit très tranquillement et travaille un peu. Il ne peut pas encore se servir de son oeil droit et son oeil gauche meilleur ; ça ne sera jamais très bon. Son état nerveux s’est amélioré avec sa vie tranquille.
Mais ses amis lui manquent… « Das Bild in Düsseldorf ist etwa 1916 gemahlt. Es ist von hier nebenbei – Ekely. Ich glaubte erst es war von Aasgardstrand Zeit wie auch Sie es ist aber von hier. Ich lebe sehr still und male ein Bischen. Mein rechtes Auge und mein linkes beste Auge kann ich noch nicht brauchen. Es wird wohl nie ganz gut. Durch mein ruhiges leben ist dagegen meine Nerven besser geworden. Natürlich vermizse ich
oft das ich nicht Freunde sehen kann ». Il évoque la situation difficile en Allemagne, et partout, comme un navire sans contrôle : « Es ist ubrigens schwer überall. Alles segelt ja nun wie ein Schiff ohne Steuerung ». Il a la nostalgie du vieux Berlin : « Ja alte Berlin. Es war ja hübsch ein Bischen wieder in Berliner Strassen umlaufen »…
•[Vers 1930]. Il ne va pas bien. Il travaille un peu avec l’oeil gauche, le plus mauvais. L’oeil malade s’est amélioré en 5 mois, et le sang s’est résorbé. Mais il doit faire très attention ; c’est lié aux étourdissements qu’il a eus les dernières années. Il peut à peine écrire. Il ne voit personne, pas même son voisin… « Mit grozsten Vorsicht fühle ich mich ganz gut und arbeite ganz wenig mit linke Auge welches leider das schlechteste ist. Das
kranke Auge hat sich ganz gut in Laufe 5 Monaten gebessert das Blut ist absorbiert aber die 3 letzten Monate ist der Zustand wenig veründert »…
Anmärkungen. Notes sur son évolution artistique, ses œuvres et les maîtres qui l’ont marqué.
À Warnemunde en 1906 il a copié L’Enfant malade de Dresde. Le premier Enfant malade a été peint avec des coupes verticales et transversales. Il y avait aussi des diagonales. Il a ensuite repris ces ressources, qu’on retrouve dans Amour et Psyché, la Mort de Marat, l’autoportait consolation dans la collection de Rasmus Meyer, etc. C’était peut-être une sorte de néo-impressionniste, mais en cherchant aussi l’approfondissement de la composition, il cherchait aussi une sorte de cubisme précoce. Les lignes et diagonales verticales et transversales ont conduit à la formation et à l’approfondissement du cube. C’était déjà dans l’air. On peut le voir dans la frise Reinhardt. Après son premier séjour à Paris, il a peint son premier portrait d’homme grandeur nature, un portrait de Karl Jensen. Il y a quelque chose de Velasquez dedans, dans ses couleurs grisâtres
et brun-jaune-vert. On le voit rarement, mais c’est l’un de ses meilleurs tableaux. C’est chez un dragon, comme il nomme ces gens qui ont ses meilleurs tableaux et ne les laissent jamais voir. Etc.
« In Warnemunde etwa 1906 habe ich Krankes Kind kopiert. Es hängt in Dresdener Galerie. Das erste Krankes Kind war gemalt mit senkrechte und auch quer Schnitte. Es waren auch Diagonale. Diese Mittelen habe ich damals wieder aufgenommen. […] sieht man es in Amor und Psyche, Marats Tod, Trost Selbsbilderung in Rasmus Meiers Sammlung […] Es war vielleicht ein Art Neoimpresionistich aber als ich auch Vertiefung und Komposition suchte auch ern Art FrühKubisme. Durch die senkrechte und querlinien und Diagonalen kam zu was Kubebildung und Vertiefung.
Es lag schon in der Luft. Es sieht man auch im Reinhardtfries. Nach dem erste Parisaufenthalt habe ich das erste lebensgroße Mannesbilderung gemalt, Portrat von Karl Jensen. Es ist was von Velasques darin, in sein gräulichen und braun-gelbe-grüne farben. Man sieht es selten aber es ist ein meiner allerbesten Gemälden. Es ist bei eine Drachen, ich nenne diese Leute welche die besten Gemälde besitzen so und lassen die nie sehen »...
─ PROVENANCE
Künstlerautographen. Eine schweize Privatsammlung, Galerie Kornfeld, Bern, Auktion 259, 13 juin 2013, n° 92.
8 L.A.S. "Edvard Munch" or "Edv. Munch", and an autograph MANUSCRIT, 1912-1931, to Curt GLASER ; 25 pages in-8 or in-4 (slight cracks in the folds of one letter) ; in German. — Very interesting correspondence to the German collector and art critic, author of a monograph on the Norwegian painter. [Curt GLASER (1879-1943), art historian and critic, was assistant then curator at the Kupferstichkabinett in Berlin, then at the Berlin Art Library, before being dismissed by the Nazis. A collector of German expressionists and Munch, he devoted several articles to the latter as early as 1902, and a monograph published by Cassirer in 1917. A 25-year friendship bound the two men, who met only six times ; in June 1913 Munch painted portraits of Glaser and his wife Elsa ; and just before the war of 1914 Glaser came to see Munch in Norway, after a visit to Lübeck to the collector Max Linde, to complete the documentation for his book]. [13.X11.1912]. Glaser's letter arrived when Munch was travelling between Kragerö and Holsten. He regrets that he has difficulty understanding German. He thanks Glaser for everything he has done for his art ("mein Dankbarkeit für alles was Sie für mein Kunst gethan haben"), especially with his warm articles in the newspapers, and his beautiful lecture in Jena. He has long seen Glaser's signature at the bottom of laudatory articles, at a time when he had very few friends and many enemies, and was thus comforted in these difficult times : "es ist nicht nur in der letzten Zeit, wo ich doch mehr schon verstanden bin, aber wie lange ist es nicht, ich Ihre Signatur unter freundlichen und lobenden Artikeln gelesen habe in einer Zeit, wo meine Freunde sehr, sehr wenige waren, aber der Feinde viele. Diese haben uns sehr oft an schweren Tagen erfreut". He is going to send him a picture of his workers ("Arbeiterbild", probably Workers in the snow). He hopes to meet Glaser soon during his trip to Berlin... — Kragerø [end 1913]. About the preparation of his exhibition in Berlin at GURLITT's in January, then in Frankfurt ; he wants to organise it as well as possible, thanks to the help of Glaser and Gurlitt, with paintings from different periods, wanting to give only a glimpse of his clear period : "Es ist wichtich das die Ausstellung gut wird, und mit Gemalden von mehreren Perioden. Augenblicklich bin ich in eine Periode wo ich mich ein Bischen sammelt. I have since lost the whole period. However, it is time to start again. Deswegen muss mehreren alteren Gemälden gebracht werden". He mentions the private collectors whose portraits he has painted (Esche, Max Linde, Rathenau, Glaser, etc.), etc., and talks about his decorations, for which the reviews are very good or very bad : "Wie geht es mit den Dekorationen. Ich habe mehrere sehr gute Besprechungen bekommen, auch ein paar ganz schlechten"... [1914]. The Zeitschrift für Deutsche Kunst und Dekoration asked him for permission to photograph and reproduce his decorations. He wonders if this is related to Glaser's work. He is concerned about the permission he had already given. Kunst und Kunstler would like to reproduce Die Geschichte [one of the decorative paintings for the University of Oslo], but Munch cannot go back on a given permission ; and he instructs Glaser to solve this problem. He has received the photographs of the hall and would like the photographer to take the decorative panel and the steamboat at Glaser's house : "Ich habe Fotografen des Saals erhalten. Besten Dank. Vielleicht wird derselbe Fotograf auch das dekorative Bild und das Dampfschiff bei Ihnen fotografieren". He would like to know how the exhibition at GURLITT is going : "I bin neugierig wie es mit der Gurlitt Ausstellung geht. Nun wird ja Gurlitt es erst im Februar arangieren. In allem Falle muzs die Ausstellung gut werden"... — Christiania, Victoria Hotel, [ca. 1914-1915]. Glaser is well advised, in these difficult times, to think of his friend in Norway : "Es ist schön das Sie in diesen für Ihnen so grozse Zeiten auch an Ihr Freund in Norwegen denken. He had long prepared a detailed letter to Glaser [probably the manuscript below, Anmärkungen], but he cannot write, and this is the third letter he has been able to write in the last 3 months : "Ich habe schon lange ein ausführliches Brief am Ihnen angefangen. But this is not the case, I am now completely unable to write. Der Brief ist das dritte das überhaupt in 3 Monaten geschrieben habe"... He works a little at the Alma Mater [one of the decorative paintings for the University of Oslo], but thinks that the first idea is the best : "Ich arbeite an Alma Mater ein Bischen, ich glaube aber die erste Auffassung ist das beste". He thinks a lot about his friends in Germany... [End of 1921]. He talks about the preparation of his exhibitions in Basel ("die — Basel-Ausstel