Lot n° 61

NICOLAS (Augustin) Si la torture est un moyen seur à vérifier les crimes secrets [...]. …

Estimation : 4 000 - 6 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
NICOLAS (Augustin) Si la torture est un moyen seur à vérifier les crimes secrets [...]. Amsterdam, Abraham Wolfgang, 1682.
In-12 de 224 pp. et (4) ff. : vélin rigide, titre à l'encre noire au dos, tranches mouchetées de rouge et de brun (reliure de l'époque).
Édition originale. La page de titre est indifféremment datée de 1681 ou de 1682.
Un manifeste pour l'abolition de la torture, un siècle avant Beccaria.
Maître des requêtes au Parlement de Dijon, Augustin Nicolas écrit en homme d'expérience, confronté en tant que magistrat à l'usage de la torture. Au terme d'une longue démonstration, à la fois morale et juridique, il prend nettement position : “Nous pouvons conclure avec évidence que la torture est une voye de mensonge, d'erreur, & de témérité évidente, [...] qu'elle produit tous les jours des excès de cruautez indignes de nostre humanité, & du nom Chrestien.”
L'ouvrage, qui annonçait le réformisme des Lumières, parut un siècle avant le maître livre de Beccaria : il est dédié au roi Louis XIV. Augustin Nicolas n'obtint cependant pas le droit de le publier en France et fut obligé de recourir aux presses d'Amsterdam.
Précieux exemplaire de Gabriel Nicolas de La Reynie (1625-1709), premier lieutenant général de police de la ville de Paris de 1667 à 1697.
Il porte, au premier contreplat, sa signature autographe.
Piquante provenance que celle de ce haut fonctionnaire qui fit usage de la torture, en particulier lors de l'Affaire des poisons entre 1679 et 1682 - ce qui incita peut-être Nicolas a publier son livre. Chargé d'élucider l'affaire au plus vite, La Reynie eut recours à la question, ce dont témoignent les procès-verbaux conservés dans les archives de la Bastille. Ainsi, le 19 février 1680, dans la Chambre ardente présidée par La Reynie lui-même, la principale accusée, Mme Voisin, attachée sur la sellette, eut à endurer le supplice des brodequins : “Exortée de Rechef de dire la vérité [...]. Au premier Coing et l'ordinaire, et dit qu'elle n'a rien à dire davantage et qu'elle dit la vérité comme dieu l'enttend [...]. Au cinquiesme Coing et premier de l'extraordinaire, et dit qu'elle a tout dit, s'est escriée qu'on ayt pitié d'elle [...]. Au huitiesme Coing et dernier de l'extraordinaire [...] ce fait avons fait asseoir [la Voisin] et luy oster les brodequins et mettre sur le matelas. [...] À l'instant avons de nouveau procédé à l'Interrogatoire.”
Saint-Simon rapporte que cette affaire attira sur La Reynie la “haine publique” et Mme de Sévigné l'accabla d'une “réputation abominable”.
Des bibliothèques Joseph Renard, avec ex-libris (1881, n° 190) et Eugène Paillet, avec signature autographe (1887, n° 572).
Papier un peu roussi, mouillures plus ou moins prononcées sur certaines pages.
(Caillet, n° 7986.- Dorbon, n° 3244, pour l'édition à la date de 1681.)
Partager