Lot n° 138

ZOLA Émile (1840-1902).L.A.S. « Emile Zola », Paris 4 avril 1867, à Antony VALABRÈGUE ; 4 pages in-8 remplies d'une petite écriture serrée. Belle et longue lettre au début de sa carrière littéraire. [Zola a commencé le 2 mars de publier en...

Estimation : 800 - 1000
Adjudication : 1 252 €
Description
feuilleton dans Le Messager de Provence son premier roman, Les Mystères de Marseille. Antony VALABRÈGUE (1844-1900), qui deviendra poète et critique d'art, était l'ami et le condisciple à Aix-en-Provence de Zola et de Cézanne, qui fit son portrait.] « Les lourdes besognes dont je suis accablé en ce moment ne doivent cependant pas me faire négliger tout à fait mes amis ». Il reproche à son ami d'avoir « jugé un peu en provincial la publication des Mystères de Marseille. [...] J'obéis, vous le savez, à des nécessités et à des volontés. Il ne m'est pas permis comme à vous de m'endormir, de m'enfermer dans une tour d'ivoire, sous prétexte que la foule est sotte. J'ai besoin de la foule, je vais à elle comme je peux, je tente tous les moyens pour la dompter. En ce moment, j'ai surtout besoin de deux choses : de publicité et d'argent. Dites-vous cela, et vous comprendrez pourquoi j'ai accepté les offres du Messager de Provence. D'ailleurs, vous êtes dans tous les espoirs, dans toutes les croyances du commencement, vous jugez les hommes et les oeuvres absolument, vous ne voyez pas encore que tout est relatif, et vous n'avez pas les tolérances de l'expérience. Je ne veux point jeter de la nuit dans votre beau ciel limpide. Je vous attends à vos débuts, à vos luttes ; alors seulement, vous comprendrez bien ma conduite. [...] Je sais ce que je fais. En ce moment, je mène de front trois romans : Les Mystères, une nouvelle pour L'Illustration, et une grande étude psychologique pour la Revue du XIXe siècle [Un mariage d'amour]. Je suis très satisfait de cette dernière œuvre ; c'est, je crois, ce que j'ai fait de mieux jusqu'à présent. Je crains même que l'allure n'en soit trop corsée, et que Houssaye ne recule au dernier instant. L'ouvrage paraîtra en trois parties ; la première partie est terminée et doit paraître au mois de mai. Vous voyez que je vais vite en besogne. Le mois dernier, j'ai écrit cette première partie - un tiers du volume - et une centaine de pages des Mystères. Je reste courbé sur mon bureau du matin au soir. Cette année, je publierai quatre à cinq volumes. Donnez-moi des rentes, et je m'engage à aller tout de suite m'enfermer avec vous et me vautrer au soleil dans l'herbe ». Il a quitté Le Figaro, où il ne publiera plus « que des articles volants, et, métier pour métier, je préfère écrire des histoires de longue haleine, qui restent. J'ai dû également renoncer à l'idée de faire un Salon. Il est possible cependant que je lance quelque brochure sur mes amis les peintres. [...] Je travaille beaucoup, soignant certaines œuvres et abandonnant les autres, tâchant de faire mon trou à grands coups de pioche. Vous saurez un jour qu'il est malaisé de creuser un pareil trou ». Il envisage la future carrière de poète de Valabrègue, mais c'est « une voie si différente de celle que j'ai prise, qu'il m'est difficile de ne pas faire quelques restrictions. Ma position m'a imposé la lutte, le travail militant est pour moi le grand moyen, le seul que je puisse conseiller. Votre fortune, vos instincts vous font des loisirs, vous vous attardez de gaieté de cœur. Toutes les routes sont bonnes : suivez la vôtre ».. Il termine en donnant des nouvelles de leurs amis peintres : « Paul [CÉZANNE] est refusé, Guillemet est refusé, tous sont refusés ; le jury, irrité de mon Salon, a mis à la porte tous ceux qui marchent dans la nouvelle voie »...
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