Description
Importante partition d’orchestre de la première musique de ballet de Reynaldo Hahn, pour l’Opéra de Paris.
La Fête chez Thérèse, ballet-pantomime en 2 actes sur un livret de Catulle Mendès, fut commandée à Reynaldo Hahn par les directeurs de l’Opéra en juillet 1907 ; la partition était achevée en juin 1909, et les répétitions commencèrent en octobre. L’œuvre fut créée à l’Opéra de Paris le 16 février 1910, dans une mise en scène et une chorégraphie de Thérèse Stichel, des décors de Landrin et René Rochette, des costumes de Joseph Pinchon, avec Carlotta Zambelli (Mimi Pinson) et Aïda Boni (la duchesse Thérèse) dans les principaux rôles. L’orchestre était dirigé par Paul Vidal.
L’œuvre, fort bien montée, remporta un grand succès. La partition fut publiée la même année 1910 chez Heugel.
Catulle Mendès s’est inspiré du fameux poème de Victor Hugo, La Fête chez Thérèse, dans Les Contemplations, et y a superposé une intrigue d’amour entre la grisette Mimi Pinson et le poète à la mode Théodore. L’action se déroule en 1841, après le succès du ballet Giselle. Le premier acte se situe dans le salon-atelier de la modiste Mme Palmyre, où défilent la danseuse Carlotta Grisi et la duchesse Thérèse, qui vient faire son essayage ; Théodore, venu voir Mimi Pinson, tombe amoureux de Thérèse. Le second acte est consacré à la belle fête chez Thérèse, où l’on donne un divertissement XVIIIe inspiré de L’Embarquement pour Cythère ; intrigue entre Thérèse et Théodore, qui, lassé de la coquetterie de la duchesse, reviendra vers Mimi.
Gabriel Fauré, dans Le Figaro du 17 février 1910, a fait l’éloge de la partition : « M. Reynaldo Hahn a traité le premier tableau de La Fête chez Thérèse avec une verve spirituelle qui ne se dément pas un instant. Rien de plus gai que cette restitution de la “contredanse” de nos pères, rien de plus finement amusant que la leçon de danse où il a exploité avec tant de bonheur la bonne vieille valse de Giselle. Ce premier tableau, “Chez Palmyre”, constitue une très joyeuse parodie qui, cependant, ne cesse jamais d’être musicale. Quant au second tableau, il est tracé avec une adresse artistique, une variété et un goût tout à fait charmants ; les pastiches du temps n’y apparaissent qu’autant qu’il était nécessaire et gardent toujours une physionomie bien personnelle : ils tiennent de l’évocation et non de l’imitation ».
La partition comprend les numéros suivants.
– Acte I. Chez Palmyre. Introduction ; Danse des petites Apprenties ; La Contredanse des Grisettes ; Entrée de Carlotta Grisi ; Valse de Giselle ; Leçon de Danse et Valse ; Entrée de la Duchesse Thérèse ; Scène de l’Essayage ; Théodore et Mimi Pinson.
– Acte II. Fête galante chez la Duchesse Thérèse. Prélude ; Tableau mouvant ; Intermède : Gilles et Arlequine ; Danse galante ; Danse violente ; Danse de Mimi Pinson (Danse triste) ; Tango ; Menuet pompeux ; Nocturne ; La Duchesse Thérèse et Mimi Pinson ; Duo mimé ; Final.
Le manuscrit, à l’encre bleue sur papier à 22 lignes, présente de nombreuses ratures et corrections (certaines à l’encre rouge), des collettes, des grattages, des passages biffés, et des annotations au crayon bleu ou rouge ; il a servi de conducteur pour les représentations.
On a porté sur le manuscrit, principalement pour le premier acte, les principaux épisodes de l’action : « Rideau. Bourdonnement, remûment des couturières qui taillent, cousent autour de la table. Les gamines vont, viennent, s’affolent, se bousculent, se battent. Danse des petites apprenties. Mimi Pinson explique à toute la tablée que : elle, Mimi, et Zélia, et Rougette, et Blanchette, elles ont des amoureux qui ont de longs cheveux, de fines moustaches, qui sont des étudiants ou des poëtes… Des jeunes hommes avec qui, les dimanches, elles vont cueillir la fraise au bois… ou danser une contredanse à la Chaumière… Or, par une petite porte sont entrés silencieusement Théodore, Rodolphe, Albert, Roderick… Ils tombent aux genoux des jeunes filles en leur offrant des bouquets de violettes de deux sous. Les quatre gamines ont peur que Madame Palmyre surprenne ces visites défendues. Elles veulent renvoyer leurs galants. Ils refusent de s’en aller ; alors elles donnent des sous aux apprenties qui se mettent en observation près des portes… tandis que les quatre grisettes reviennent vers les jeunes hommes qui les enlacent. La Contredanse des Grisettes. Mais les petites apprenties se précipitent. “Voici venir de belles dames, des clientes ?” – Ce sont les danseuses de l’opéra qui viennent essayer leurs costumes pour la fête chez la Duchesse Thérèse. Les jeunes hommes ont à peine le temps de disparaître de paravent en paravent. Théodore, en sortant le dernier, obtient de Mimi Pinson la permission de revenir. Entrée de Carlotta Grisi et de ses amies. Elles sont affairées et dédaigneuses. Carlotta : “Eh ? bien, petites, où sont ces costumes que nous devons essayer ?” Les ouvrières s’approchent, se couvrent des étoffes… montrent les costumes, jurant qu’ils iront à ravir à de si belles personnes. Or, Mimi Pinson a reconnu l’illustre danseuse… Elle en fait part à ses amies… leur montre le portrait de Carlotta. Toutes les ouvrières : “Ah ? Madame ? Madame, si vous consentiez, pour nous, pour nous pauvres petites, à danser… à danser ?... Vous savez ?... cette valse de Giselle”. Carlotta, bonne fille, veut bien… Elle ôte son chapeau, son manteau, retrousse sa jupe de ville avec l’aide des ouvrières… Valse de Giselle. Applaudissements, rires de joie de toutes les grisettes et des apprenties. Mimi Pinson : “Que c’est beau ? que c’est beau ?
– Toi, qui es-tu, petite ? Tu es la plus jolie ? – Qui je suis ?” Chanson de Mimi Pinson. Mimi demande à Carlotta de lui apprendre la jolie valse. Leçon de danse et Valse. Mais soudain s’ouvre la grande porte du fond où, précédée de Palmyre obséquieuse et ravie, apparaît, entre une double haie de domestiques en somptueuse livrée, la Duchesse Thérèse, délicatement luxueuse, jolie, belle, adorable, fine et divine »… Etc.
L’Acte I est paginé 1-200, avec la p. 21 suivie des pages 21 bis à 21-7, les pages 77 à quater, 129 à quater, 130 à ter, plus quelques feuillets bis ; au dos des 2 derniers feuillets, liste de corrections.
L’Acte II est paginé 1-387 ; mais il y a eu des coupures : on passe de 43 à 50, de 90 à 94 (dernière mesure de la p. 90 biffée avec la mention : « long »), de 289 à 300, de 316 à 331, de 348 à 356) ; il y a en outre des feuillets bis, les pages 271 à 271 ter ; quelques pages ou passages sont par un copiste ; il y a dans cet acte très peu d’annotations concernant le livret ; au dos des 2 derniers feuillets, liste de corrections.
En marge du manuscrit, Reynaldo Hahn a porté des notations intimes, faisant notamment allusion à Marcel Proust, et à un séjour en Algérie en 1908.
Acte I, p.7 :
« Versailles, la flottille, 9 août. Triste fête. Depuis un mois et plus, pas de nouvelles » ;
p. 16 : « Il n’y a rien de plus révoltant que de voir des gens s’installer pour déjeuner, et avant même de commander, fourrer leur serviette dans leur col » ; p. 28 : « Terrasse de Maxeville. Mardi – profonde tristesse, nervosité » ; p. 33 : « Tchoursouk. Vendredi matin. Mohamed vient de partir à cheval pour Rhiana, j’attends l’auto » ; p. 71 : « Tabrouzouk. Nuit étoilée. J’attends l’arabe que j’ai envoyé promener » ; p. 170 : « Réveillon – 26 – pas de nouvelles de M. depuis très longtemps. Tout avoir ici ou tout près ? et tant mieux ». Acte II, p. 88 : « Maintenant, ils font crier le poupon. Dieu sait les tortures qu’ils lui infligent ; sans doute des soins de propreté, avec la maladresse des jeunes époux » ; p. 157 : « Londres, 27 juin ».
Bibliographie : Jacques Depaulis, Reynaldo Hahn (Séguier, 2007), p. 81-82 ; texte complet du livret, et articles sur la commande, les répétitions, la création et les représentations de l’œuvre : http://reynaldo-hahn.net/Html/ balletsTherese.htm.
— Discographie : Yves Prin, Orchestre National de France (extraits sur le site de l’INA).