Lot n° 154

PROUDHON Pierre-Joseph (1809-1865) écrivain et théoricien politique.L.A.S. « P.-J. Proudhon », Burgille lez Marnay (Doubs) 8 octobre 1852, à son collaborateur Marc-Lucien BOUTTEVILLE ; 4 pages in-8. Longue et intéressante lettre politique, sur...

Estimation : 1200 - 1500
Adjudication : 2 860 €
Description
son projet de revue révolutionnaire, et sur la politique de répression de Napoléon III. Il s'explique d'abord sur son projet de candidature aux élections législatives : « j'avais mis à cette candidature une condition qui, si elle eût été acceptée généralement, m'eût fait à mon tour, du mandat législatif, un vrai succès, c'est que mon élection aurait eu vis-à-vis de l'Élysée la même signification que mon livre [La Révolution sociale démontrée par le coup d'État]. Quelques-uns le voulaient ; les autres, soit rouges, soit modérés du Siècle protestaient. Cette décision m'a décidé au désistement. Un autre motif s'était joint au premier pour que je persistasse, c'est la haine que m'a vouée le Siècle, et en ma personne à tout le socialisme, et à laquelle je désirais répondre en attendant mieux. J'ai cédé encore sur ce point à la lecture de la lettre de Goudchaux »... Le projet de revue est « fortement chauffé par Boussard, et je ne demande certes pas mieux que de m'en charger ; je le désire de toute mon âme; mais plus il va avant, moins j'espère en sa réalisation. Mes doutes viennent tous du gouvernement. La chose impériale va si bien, il arrive au futur César tant de protestations contre-révolutionnaires, tant de félicitations de la conduite qu'il a tenue en décembre et depuis, contre les socialistes ; il me semble lui-même, malgré son flegme, tellement enivré des ovations plus ou moins sincères, plus ou moins spontanées et générales qu'il reçoit en chaque lieu, que je doute sérieusement d'une plus longue tolérance, soit des journaux indépendants ou appartenant à d'anciens partis, soit même des ouvrages et brochures contenant des idées différentes de celles du maître et de ses ardents souteneurs, les jésuites. Je doute [...] Si j'interprète bien les dernières élections de Paris, la capitale se sépare et s'abstient : la moitié des électeurs inscrits ne votent pas ; sur l'autre moitié, la moitié, soit le quart de la totalité, vote pour l'Empereur » ; il en va de même à Lyon, et probablement à Marseille : « il y a, quoi qu'on dise, de la froideur, de l'antipathie, même pour le pouvoir. Peut-être estce pour triompher de ces dernières hésitations que le Président marche droit à la solution impérialiste ; lui aussi pense qu'il faut en finir ; peut-être une fois proclamé, nommé par le peuple et couronné, modifiera-t-il sa politique et fera-t-il un peu de progrès, un peu de révolution sociale, ne pouvant faire, comme son oncle, autre chose !... Mais ces peut-être ont-ils quelque valeur ? N'y a-t-il pas autant lieu de croire que l'Empereur s'appuiera de plus en plus sur les jésuites, et, partant, s'engagera plus avant que jamais avec la politique des Nicolas, des Metternich et des Bomba [Ferdinand II] ? [...] Sans doute, la Révolution est dans les choses, je le sais mieux, j'ose le dire, que qui que ce soit, mais le fait est nié, méconnu, avec plus d'emportement que jamais, par une masse bourgeoise aveugle, féroce, et qui fait de ce qu'elle appelle son salut une condition de vie ou de mort pour Bonaparte. Puis la vieille haine de l'oncle, pour les républicains, son dédain de la multitude idolâtre, se trahit de plus en plus chez L.-N. [...] Certes la société ne rétrograde pas ; mais, pour le moment, elle marque le pas seulement au son des tambours napoléoniens, et qui sait combien d'années cela durera ? Qui ne voit déjà que la Révolution, au lieu de suivre la ligne droite, est forcée de biaiser, témoin ma propre brochure ! Qui ne voit, eu un mot, que pour peu que nous ayons cinq ou dix ans de ce régime, le cours des événements en Europe en sera dévié ? [...] Si notre Revue paraît, elle aura du succès, j'en réponds ; ce sera la Révolution, celle prêchée par le Peuple, le Représentant du Peuple et la Voix du Peuple, assise au foyer des Tuileries, au coeur même de l'Empire, menaçant de haut et l'Église, et le Capital, et l'Autorité. Au contraire, la Revue interdite, le Socialisme, de plus en plus exécré, passe à l'état historique, et s'éteint, au moins dans son expression première, dans l'oubli de la bourgeoisie et des masses. Croyez-vous que la police ne le comprenne pas, et que, dans ses préoccupations actuelles, elle ne préfère suivre sa politique de conservation avec la bourgeoisie et le clergé, plutôt que d'entrer tout doucement dans la voie de la tolérance philosophique et des réformes ? C'est un fait constant dans l'histoire, [...] que toute monarchie nouvelle, toute usurpation, toute tyrannie, tout césarisme, commence avec l'appui du peuple, et, aussitôt installé, cherche l'adhésion des grands et se met en garde contre le peuple. L. - N. n'est pas homme à changer de tactique ; comme son oncle, dont il adore les vestiges, il pense que la société, c'est une administration, une armée, un clergé, une magistrature, et
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