Lot n° 19
Sélection Bibliorare

JAURÈS (Jean) — Manuscrit autographe signé. — [1896]. — In-4 (34,3 x 28,2 cm), demi-maroquin grenat à coins, filet doré bordant les coins et plats, dos à nerfs orné, tête dorée, étui (reliure postérieure). — 30 p. sur 30 ff. in-4...

Estimation : 10000 - 12000
Adjudication : Invendu
Description
(25,6 x 18,9 cm) montés sur papier fort.
Manuscrit original signé de la lettre que Jean Jaurès adressa à Jules Huret (1863-1915), journaliste au Figaro, au sujet des conversations sur le socialisme que ce dernier avait menées quelques années auparavant. Elles furent publiées en 1897 sous le titre Enquête sur la question sociale en Europe, avec, en guise de préface, cette même lettre de Jean Jaurès suivie d’une lettre de Paul Deschanel.
Alors député socialiste du Tarn, Jaurès y fait un vibrant plaidoyer en faveur du « socialisme collectiviste ou communiste qui veut transformer la propriété capitaliste en propriété sociale » par opposition au « socialisme d’État, qui respecte la propriété capitaliste et qui en tempère seulement les effets par une réglementation toute extérieure. »
Il en profite pour rappeler les grands principes du combat contre « l’exploitation des non-possédants par les possédants » et annonce l’arrivée du prolétariat au pouvoir : « Nous rencontrons tantôt la montagne, tantôt le ravin, et il nous faut construire tantôt des ponts, tantôt des tunnels. Mais c’est toujours le même chemin, le même but, et la même force sûre d’elle-même, réfléchie et ardente, consciente et indomptée. […] Ah ! je sais bien : vos interlocuteurs capitalistes affirment qu’un ordre social nouveau est impossible parce qu’il faudrait changer la nature humaine. […] Aussi, quand on se borne à dire que le socialisme abolira la propriété individuelle, la formule est trop pauvre et fausse. Il abolira la propriété capitaliste, mais sous d’autres formes la propriété individuelle subsistera, et de ses rapports infiniment variés à la propriété sociale résultera la société la plus compliquée, la plus riche et la plus diverse qu’aient connue les hommes. Aujourd’hui même quand on se borne à dire que la société a pour base la propriété individuelle, on dit un mot qui n’a presque pas de sens et qui ne répond pas à toute la réalité. »
On aurait tort, selon lui, d’opposer propriété individuelle et propriété sociale : il promet que « l’ordre socialiste les conciliera par l’infinie diversité de ses modes juridiques et économiques, et nous allons à la pleine liberté individuelle comme à la pleine justice sociale. »
Il fustige par ailleurs l’opacité et l’hypocrisie des discours du grand capital : « Seuls les grands capitalistes, qui sont les vrais rois et les vrais généraux de notre époque, s’enveloppent de mystère : nous n’avons ni les souvenirs de M. Christophle [sic], ni les mémoires de M. de Rotschild [sic], ni l’histoire de ma vie de M. Bleichroeder. Et quand on les interroge, ils répondent par des histoires de berger : “Il y avait une fois un brave homme qui avec son épargne avait acheté un petit champ.” Ce sont des capitalistes d’Arcadie. »
Des ratures, correction et taches d’encre ponctuent ce manuscrit, donnant une impression de travail sur le vif.

JOINT

Un dessin original signé du caricaturiste Jean Veber (1868-1928) représentant Jean Jaurès. On y voit le tribun prononcer un discours, le visage rouge, la bouche ouverte, les bras levés, le ventre appuyé à une tribune (26,2 x 34,3 cm, crayon noir, fusain et sanguine ; papier un peu gondolé).

Provenance :
Victor Sanson (timbre humide VS sur la 1ère page ; vente, Paris, 25 juin 1937).
Petits frottements aux coupes, marques de pliure centrale, certains ff. empoussiérés, quelques indications typographiques, ancienne découpe soigneusement restaurée à un feuillet, petites mouillures aux gardes et à l’intérieur de l’étui, petite déchirure à la garde en fin de volume.
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