Lot n° 120

DOMBROWSKI (Jaroslaw) — Ordre de commandement militaire autographe signé, situé et daté

Estimation : 500 - 600 €
Adjudication : 875 €
Description
Quartier général de la Muette le 21 mai 1871. 1 p. in-8. Précieux ordre militaire donné par le commandant en chef de l’armée de la Commune le premier jour de la Semaine sanglante, alors que les troupes versaillaises investissaient le xvie arrondissement de Paris :
Ordre au commandant du 247e bataillon de rallier son bataillon et d'occuper la barricade de la rue Guillot [Guillou], au pont de Grenelle. Envoyer deux compagnies en avant sur le bord de la Seine jusqu'au viaduc d'Auteuil. (Observations [biffé]). Fait au Quartier général de la Muette, le Général commandant la 1ère armée J. Dombrowski. Suit ce post-scriptum signé de nouveau : Ces deux compagnies serviront d'escorte à une batterie volante qui se trouve sous le viaduc d'Auteuil. J. Dombrowski.
L’ordre est rédigé sur papier à en-tête Commune de Paris – Général commandant en chef et visé en bas à gauche du cachet du Général commandant la première armée de la Garde nationale de la Seine.
Émouvante pièce autographe signée d'un des héros de l'insurrection parisienne écrite deux jours avant sa mort : le 23 mai, Dombrowski fut touché par une balle mortelle sur la barricade de la rue Myrha, alors qu'il se préparait à conduire une contre-offensive.
Jarosław Dąbrowski (1836-1871), francisé en Dombrowski, aristocrate et officier polonais servant dans l’armée russe fut condamné à la déportation en Sibérie pour avoir participé à l'organisation de l'insurrection polonaise de 1863 mais parvint à s’évader, gagna la France et mit son expertise militaire au service de la Commune de Paris, à laquelle il se rallia dès le 18 mars 1871. Le 5 mai, Louis Rossel le nommait commandant en chef de l’armée de la Commune.
Cet ordre du commandant en chef des fédérés est capital : écrit du quartier général de la Muette, il organise – trop tard – le renforcement du pont de Grenelle, du viaduc du chemin de fer d'Auteuil et de la barricade de la rue Guillou, points névralgiques de la seconde ligne d’enceinte dont le 4e corps d'armée versaillais s’empara, vers minuit, lorsque les volontaires épuisés et privés de renfort qui les défendaient durent se replier sur la Muette, suivis par les troupes du général Clinchant.
On sait, grâce à Lissaragay, que, le 21 mai 1871, Dombrowski n’arrive qu’à 16h à son quartier général de la Muette, pour apprendre que les Versaillais sont entrés dans Paris par la porte de Saint-Cloud. « Avec cette tranquillité qu’il exagérait dans les circonstances critiques, [il déclara] : “Envoyez chercher une batterie de 7 au ministère de la marine ; prévenez tels et tels bataillons, je commanderai moi-même.” » (Histoire de la Commune de 1871, Bruxelles, 1876, p. 339).
Cet ordre au 247e bataillon d’envoyer deux compagnies à la batterie du viaduc d’Auteuil est mentionné dans l’édition du Gaulois relatant « l’enlèvement de la barricade Guillon [sic] », la principale défense du quai de Passy, investie par le capitaine Jacquet au moment même où six cents gardes nationaux accouraient pour en assurer la défense. Arrive alors à la barricade un certain Monthus, « muni d’un ordre de Dombrowski, avec mission d’escorter une batterie volante qui devait être placée sur le viaduc du Point du jour. Le commandant fédéré prend sur lui d’ordonner au 247e chargé de la batterie de se retirer », permettant à l'armée du gouvernement de se rendre « maître de la barricade après une vingtaine de coups de fusils seulement. »
Le Communard Pierre Vésinier, selon qui « les ordres de défendre la seconde ligne fortifiée et d’armer le viaduc d’Auteuil auraient été donnés trop tard », écrivait à chaud que c’est pour avoir négligé d’armer et de défendre les positions stratégiques de la seconde ligne d’enceinte « que l’armée de Versailles a pu pénétrer dans Paris, que quarante mille malheureux gardes nationaux ont été massacrés, que quarante mille autres sont prisonniers, que la Révolution est vaincue, que la réaction triomphante règne et gouverne à Versailles » (Histoire de la Commune de Paris, Londres, 1871, pp. 366-369).
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