Lot n° 364

Henri Beyle, dit STENDHAL (1783-1842). L.A.S. « Thine », Paris 24 mai 1810, [à François …

Estimation : 3 000 - 4 000 EUR
Adjudication : Invendu
Description
Henri Beyle, dit STENDHAL (1783-1842). L.A.S. « Thine », Paris 24 mai 1810, [à François PERIER-LAGRANGE] ; 4 pages in-4.

Très belle lettre à son beau-frère, sur son amour pour Victorine Mounier qui va se marier.
« Mon ami ta lettre me touche jusqu’aux larmes. [...] Mais le sacrifice est fait, j’ai eu quelques jours d’un violent chagrin, il a même été si fort que je n’ai trouvé d’autre ressource que de faire une centaine de lieues. Heureusement j’avais en les faisant un service à rendre. J’ai passé sur la place publique d’Orléans une nuit de 1 h. à 4, dont je me souviendrai longtems. Le résultat est que il ne faut jamais entrer dans une famille où l’on ne vous adopte pas avec plaisir. La fierté est malheureusement devenue une habitude si forte chez moi, que je ne pourrais pas répondre de ne pas envoyer faire f. tous les parens même le plus puissant, pour peu qu’ils prétendissent sortir de la parfaite égalité. Cela mettrait cette aimable fille dans une position très embarassante. D’ailleurs je n’ai pas le sou et il [y] a quelque différence à être la femme d’un Receveur gal ou d’un pauvre diable d’audr à 500 fr. par an. Autre comparaison qui ferait mon malheur pour peu que je soupçonnasse ma femme de la faire. Je te dirai entre nous que je refusai il y a deux ans une fortune très considérable, et une femme si aimable que je lui ai fait la cour depuis, le tout pour éviter cette comparaison. J’en ai été aimé, c’est un coeur excellent et cependant si le refus était à faire, et qu’elle put n’avoir jamais été mariée je ne la demanderais pas plus qu’autrefois. Voilà, mon bien cher ami, mon âme tout entière. Ne dis donc rien à ... qui puisse lui taire soupçonner un projet que j’en ai arraché pour toujours ».
Stendhal encourage son beau-frère à se lancer dans le commerce : « C’est parce que je te crois excellent calculateur que je pense que la charrue ne t’a pas fait faire de mauvaises affaires. En tous cas le remède est simple. Nous avons souvent calculé que le commerce des toiles de Voiron donnait 15 p %. Tu peux avoir des fonds à 6. Crois que c’est là le premier métier du monde. Si toutes ces données ne sont pas changées, je braverais très fort à ta place le petit reproche d’inconstance que les badauts ne manquent
jamais de faire parce qu’il est le plus aisé de tous. Les grandes fortunes ne viennent sûrement et commodément que par le Commerce, tu le sais, tu as une réputation d’or, je crois donc que tu n’en manqueras jamais »...
Il espère venir à Grenoble... « Tu as raison de plaindre l’agitation de ma vie, vous n’en connaissez pas la centième partie à Grenoble, et au milieu de tout cela à peine 2 ou 3 cœurs qui m’aiment un peu ».
Il ne veut pas revenir sur le principal objet de la lettre (le mariage) : « Je ne suis ni assez mur ni assez riche pour me marier. Aye donc des enfans que je puisse aimer autant que je vous aime »...
Correspondance (Bibl. de la Pléiade), t. I, p. 572.
Ancienne collection Daniel SICKLES (IV, 1373).
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