Lot n° 77

BOILEAU-DESPRÉAUX NICOLAS (1636-1711) — L.A.S. « Despreaux », Paris 30 juillet 1706, [à Adrien-Maurice, Duc de NOAILLES] ; 3 pages in-4 (pli intérieur renforcé).

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Adjudication : 2 210 €
Description
Superbe lettre sur sa Satire XII sur l’Équivoque, qui ne sera publiée qu’après sa mort, et sur la glorieuse conduite du duc au siège de Barcelone .

[La Satire XII sur l’Équivoque fut composée en 1703-1704 en riposte à un article du Journal de Trévoux accusant Boileau de piller les auteurs sati - riques latins. D’inspiration janséniste, cette satire s’en prend aux Jésuites. Fort du soutien du cardinal de Noailles et du chancelier Pontchartrain, Boileau tenta à plusieurs reprises de publier l’Équivoque, mais Louis XIV, sur le conseil de son confesseur le père Le Tellier, en interdit l’impression. Elle ne parut qu’après la mort de Boileau dans une édition clandestine, puis en 1716 dans l’édition des Œuvres complètes.]

« Je ne scay pas Monseigneur sur quoy fondé vous voulés qu’il y ayt de l’equivoque dans le zele et dans la sincère estime que j’ay toujours faict profession d’avoir pour vous. Avés vous donc oublié que votre cher Poete n’a jamais esté accusé de dissimulation, Et qu’enfin sa candeur, c’est lui mesme qui le dit dans une de ses Epistres, seule a faict tous ses vices ». S’il ne lui a pas donné de nouvelles de son dernier ouvrage [sa Satire XII], c’est qu’il ne voulait pas l’importuner pendant le siège de Barcelone : « croiés vous qu’au milieu des grandes choses dont vous estiés occupé devant Barcelone parmi le bruit des canons des bombes et des carcasses mes Muses dûssent vous aller demander audience pour vous entretenir de mon démeslé avec l’Equivoque et pour sçavoir de vous si devois l’appeller maudit ou maudite ». Il lui dit qu’il l’a achevée immédiatement aprés son départ ; « Que je l’ay ensuitte récitée a plusieurs personnes de merite qui lui ont donné des eloges auxquels je ne m’attendois pas Que Msgr le Cardinal de Noailles surtout en a paru satisfaict et m’a mesme en quelque sorte offert son approbation pour la faire imprimer mais que comme j’y attaque a face ouverte la Morale des mechans Casuistes et que j’ay bien prévû leclat que cela alloit faire je n’ay pas jugé a propos meam senectutem horum sollicitare amentiâ et de m’attirer peutestre avec Eux sur les bras toutes les furies de l’Enfer ou ce qui est encore pis toutes les calomnies de... Vous m’entendés bien Monseigneur. Ainsi j’ay pris le parti d’enfermer mon ouvrage qui vraisemblablement ne verra le jour qu’après ma mort. Peutestre que ce sera bientost Dieu veuille que ce soit fort tard. Cependant je ne manquerai pas des que vous serés a Paris de vous le porter pour vous en faire la lecture »...

Puis sur le siège de Barcelone : « Cest avec une extreme plaisir que j’en - tens tout le monde ici vous rendre justice sur l’affaire de Barcelone ou lon pretend que tout auroit bien esté si on avoit aussi bien fini que vous aviés bien commencé. Il n’y a personne qui ne loüe le Roy de vous avoir faict Lieutenant general et des gens sensés mesmes croient que pour le bien des affaires il n’eut pas esté mauvais de vous eslever encore a un plus haut rang. Au reste cest a qui vantera le plus l’audace avec laquelle vous avés monté la tranchée apeine encore gueri de la petite verole et approché dassés pres les Ennemis pour leur communiquer vostre mal qui comme vous scavés s’excite souvent par la peur. Tout cela Monseigneur me donneroit presque l’envie de faire ici vostre eloge dans les formes mais comme il me reste trés peu de papier et que le Panegyrique n’est pas trop mon talent », il se hâte de l’assurer de son trés grand respect…

Œuvres complètes, Bibl. de la Pléiade, p. 829.
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