Lot n° 122

VOLTAIRE (1694-1778) — L.A.S. « frere Voltaire », Potsdam 28 mai [1751], à WILHELMINE de Prusse, Margrave de BAYREUTH ; 4 pages in-4.

Estimation : 6 000 - 8 000 €
Adjudication : 7 150 €
Description
Belle et amusante lettre à la sœur de Frédéric II, lors de la première année du séjour de Voltaire à la cour du roi de Prusse. [Le Marquis d’ADHÉMAR, gentilhomme lorrain, fut introduit par Voltaire auprès de la Margrave, dont il écrivit, à sa mort en 1758, l’Éloge historique de Wilhelmine de Bayreuth.]

«Votre altesse Royale attendoit des Adhémars, et elle a des Codenius [Cothenius, médecin particulier de Frédéric II]. Au lieu des plaisirs qui devroient etre en foule autour d’elle, faudra t’il qu’elle nait que des julets et des pillules ? faudra t’il toujours craindre pour une santé si pretieuse ? Si le vif interest que tout le monde prend icy a cette santé, pouvoit etre de quelque secours a votre altesse royale, vous seriez bientot guerie. Le couvent de Postdam redouble pour vous madame ses dévotes prieres ; et moy frere indigne de ce monastere je ne suis pas celuy dont les vœux sont les moins fervents, votre altesse royale sait quels sentiments je luy ay vouez elle conait l’empire qu’elle a sur les cœurs. Je suis egalement attaché a la sœur et au frere. Je voudrais chanter mes matines a Potsdam et mes vêpres a Bareuth. Si j’etois sur madame que cette lettre vous parvint dans un temps ou votre santé seroit meilleure, je vous parlerois du marquis d’Adhemar qui n’a pas encor pu se résoudre a quitter Paris, je parlerois d’un gentilhomme lorrain nommé Liebaud [Nicolas Liébault] qui est officier, qui est homme de lettres, sage, instruit, et dont on répond. Mais je ne peux parler que de la santé de votre altesse royale, de nos inquietudes et de notre douleur. Que ne pui-je accompagner Mr Codenius ! Que ne pui-je venir me mettre a vos pieds et a ceux de Monseigneur ». Frédéric II part pour Clèves, « je reste a grifoner dans ma cellule. Les maladies qui m’accablent me rendent sedentaire. Mais madame j’oublie mes maux pour ne songer qu’aux votres. Je suis indigné contre la nature de ce que je ne suis pas le seul qui soufre. Pourquoy fautil qu’une ame aussi ferme que la votre soit logée dans un corps si délicat. Nous avons dix mille grands garcons qui ne pensent point et qui tirent actuelle- ment dix mille coups de fusil aux portes de Potsdam. Ils se portent a merveille. Et madame la mark grave de Bareuth soufre ! et la providence ? ou est elle donc ? Je ne serai pas son serviteur si vous navez de la santé. Et je veux chanter un tedeum au retour de Codenius ».. IL ajoute en tête de la dernière page : «Mr de montparni n’est pas le plus infatigable ecrivain du siecle ». Correspondance (Pléiade), t. III, p. 412.


PROVENANCE
Collection Yemeniz (12 mai 1868, n° 80).
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