Lot n° 42

Marcel PROUST — L.A.S., [25 avril 1919], à Louisa de MORNAND ; 5 pages in-8, enveloppe.

Estimation : 2000 - 2500 €
Adjudication : 6 875 €
Description
Belle lettre à l’ancienne maîtresse de son ami Louis d’Albufera, sur son prochain déménagement et sur son état de santé.
[Proust va devoir quitter son appartement du boulevard Haussmann ; il est atteint de troubles de la parole.]
« Chère Louisa J’ai été dernièrement en correspondance avec Louis [d’Albufera] dont j’ai pu apprécier une fois de plus la haute délicatesse de cœur, et je n’aurais gardé de notre correspondance qu’une impression bien douce s’il ne m’avait dit que vous aviez subi une cruelle opération et que vous aviez dû partir dans le Midi pour vous rétablir [l’enveloppe montre qu’on a fait suivre la lettre à Marseille]. Mon affection pour vous est restée trop vive pour que je ne ressente pas avec un profond chagrin les souffrances physiques par où vous avez passées. Un petit mot, si cela ne vous fatigue pas, me disant si vous êtes tout à fait remise me fera un immense plaisir. Je ne vous écris pas bien longuement car je suis dans un état de santé dont le vôtre heureusement est bien différent, puisque il a pu trouver dans une intervention énergique sa guérison. J’ai des troubles de la parole qui me font craindre de la perdre tout à fait comme ma pauvre Maman qu’on ne comprenait plus du tout les premiers temps. Je ne peux même pas appliquer le remède (?) des médecins qui me disent, dormez tout le temps, car comme vous le savez peut-être par Louis, ma propriétaire a vendu son immeuble et comme la maison va être convertie en banque, je suis comme tous les autres locataires, obligé de déménager. Dans une nouvelle demeure, qu’elle soit à Paris ou dans le Midi, j’aurai, au moins les premiers mois, des crises d’asthme, c’est-à-dire, pas de sommeil, accroissement de médicaments, tout ce qui peut hâter le dénouement de mon mal. Je vous parle ainsi de moi quoi que ce soit à vous que je pense, parce que si je n’étais pas dans cet état je vous écrirais davantage, pauvre chère malade que j’espère guérie ! Je vous assure que ma tristesse est beaucoup plus sur vous que sur moi et que je ne vous parle de moi que pour que vous ne m’accusiez pas d’indifférence. J’espère un soir où je pourrai parler dîner avec vous quelque part et causer avec vous des jours heureux d’autrefois »...
Correspondance (Ph. Kolb), t. XVIII, p. 180.
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