Lot n° 96

MILLER (Henry) — Lettre autographe signée, en anglais, à François Faure.

Estimation : 100 - 150 €
Adjudication : 375 €
Description
Big Sur (Californie aux États-Unis), 25 mars 1947. 2 pp. in-folio sur papier pelure, traces d'humidité et quelques taches. « ... When I first arrived in Paris (1930) I used to stand in front of the building – bld St.-Germain – where your father had his office, I believe – and try to screw up the courage to go upstairs and say bonjour to him. But I was too timid and too much in awe of this great spirit. Now I wish I had – if only to have shaken his hand. I owe more, much more, to his labors than anything I have written may convey. That he should have been neglected – as an artist, a poet, a seer – in a country like France – is one of those mysteries we come upon now and then. But he has an eternity in which to make himself felt. I think sometimes that sheer exuberance, gusto, vitality frighten the cultured souls of France. Élie Faure was a sort of human cataract who threatened to engulf his time and all the small souls who have contributed to make our era so ignoble, so mean, so vulgar. I do not exaggerate when I say that often in reading him I wept. My tragedy, if I may put it that way, has been that I have seldom been privileged to meet and know the few people in this world to whom I owe so much. I feel as if I had lived in a desert – or a swamp... »

Traduction : « ... Quand je vins à Paris pour la première fois (1930), il m'arrivait de me tenir devant l'immeuble – bld St.-Germain – où votre père avait son cabinet, je crois – en essayant de rassembler mon courage pour monter lui dire bonjour. Mais j'étais trop timide et trop impressionné par ce grand esprit. Maintenant je regrette de ne pas l'avoir fait – ne serait-ce que pour lui serrer la main. Je dois plus, beaucoup plus, à ses travaux que tout ce que j'ai écrit pourrait le suggérer. Qu'il ait pu être négligé – comme artiste, poète, voyant – dans un pays comme la France – est un de ces mystères que l'on rencontre par moments. Mais il a une éternité durant laquelle faire sentir sa présence. Je pense parfois que l'exubérance pure, l'enthousiasme, la vitalité effraient les âmes cultivées de France. Élie Faure était une sorte de cataracte humaine qui menaçait d'engloutir son temps et toutes les âmes petites qui ont contribué à faire notre époque si ignoble, si mesquine, si vulgaire. Je n'exagère pas quand je dis que souvent je pleurais en le lisant. Ma tragédie, si je puis exprimer cela ainsi, a été d'avoir rarement eu le privilège de rencontrer et connaître le peu de gens en ce monde à qui je dois tant. J'ai l'impression d'avoir vécu dans un désert – ou un marécage... »

Henry Miller évoque ici le père de François Faure, le médecin, écrivain et historien de l'art Élie Faure, dont les livres d'art, notamment, rencontrèrent un large écho par leur lyrisme et la forte personnalité qu'ils expriment : Histoire de l'art (1909-1921), Formes et forces (1907), des monographies sur Cézanne, Derain, Matisse, Soutine, Velázquez. Neveu par sa mère des frères Élisée et Élie et Reclus, anarchistes, Élie Faure se mêla lui-même dans sa jeunesse aux mouvements anarchisants et leur resta toujours fidèle. Il se rapprocha ensuite du parti communiste sans y adhérer.
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