Lot n° 100

PRÉVERT (Jacques) — Poème autographe intitulé « Art abstrus ».

Estimation : 1000 - 1200 €
Adjudication : 3 360 €
Description
1 p. 1/4 grand in-folio. LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS.

Pièce de vers qui faisait originellement partie d'une suite de 4 poèmes intitulée « The Gay Paris » parue en décembre 1953 dans le n° 10 de la revue Lettres nouvelles. Ces quatre compositions furent ensuite intégrés en 1955 dans son recueil La Pluie et le beau temps, mais de manière autonome, sans titre général commun.

Jacques Prévert ajouterait encore neuf lignes au texte pour sa publication dans La Pluie et le beau temps.
« Désagréablement surpris de vivre
à peine satisfait de ne pas être mort
jamais il n'adresse la parole à la vie

Il y a une nuance entre dire et demander merci

Et la tête entre les mains et les pinceaux tout prêts mais la couleur si loin
debout devant son chevalet de torture picturale
il se regarde et s'observe dans le miroir de la toile où la mygale de la mégalomanie tisse et retisse à l'infini le décalco-manie logogriphique de ses spéculations esthétiques
Abstraire une vache pour en tirer du lait et tirer de ce lait le portrait d'un brin d'herbe que la vache a brouté

Pourtant
des tournesols de fer voltigent en Provence dans les jardins de Calder
pourtant sous la pluie
contre un poteau télégraphique un vélo de Braque dit merci à l'éclaircie
pourtant Claude et Paloma Picasso ne prennent pas la peine de pousser le cadre pour sortir tout vivants du tableau
pourtant la Bohémienne endormie rêve encore au douanier Rousseau
pourtant les éclats du soleil blessent encore l'oiseau tardif des paysages de Miró
pourtant à Florence
cette haleine de fleurs peintes entre les lèvres de la bouche d'un visage de Boticelli
a toujours le même parfum que le printemps de Vivaldi. »
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