Description
[Modène, Cornelio Gadaldini l'aîné, probablement 1559]. Petit in-4, (4 dont le dernier blanc)-116 ff., veau écaille, dos lisse cloisonné et fleuronné avec pièce de titre brune ; dos frotté avec coiffes et coins usagés , triple filet doré encadrant les plats avec fleurons d'angles et en écoinçons, coupes filetées, roulette intérieure dorée, tranches dorées (reliure du XVIIIe siècle).ÉDITION ORIGINALE, publiée sous le voile de l'anonyme en raison de la clandestinité dans laquelle vivait alors Castelvetro. Elle est cependant ornée au titre de l'emblème gravé sur bois de celui-ci à la devise grecque « κέκρικα » (« j'ai jugé »), probablement empruntée à la 5e épître aux Corinthiens où saint Paul vouait à l'Enfer un homme impudique qui faisait pourtant la fierté de sa communauté.
PAMPHLET DE POLÉMIQUE LITTÉRAIRE SUR FOND D'ACCUSATION D'HÉRÉSIE. Le poète et traducteur Annibal Caro (1507-1566) avait en 1553 publié une canzone en vers, Venite all'ombra dei gran gigli d'oro (« Venez à l'ombre des grands lys d'or »), dithyrambe en l'honneur de la Couronne de France écrit à la demande du cardinal Alessandro Farnese, et que Joachim Du Bellay avait traduite en français. Lodovico Castelvetro émit des critiques, engageant une longue dispute qui, quoique fondée sur une vraie dissension au plan des principes linguistiques et littéraires, prit une tournure tragique : Annibal Caro, blessé dans son orgueil de poète de Cour, publia pour se défendre une Apologia degli Academici di Banchi di Roma (1558), dans laquelle, descendant jusqu'au ton bouffon de la pasquinade, il accusait ouvertement Lodovico Castelvetro d'hérésie. Quarante-cinq jours plus tard, ce dernier répliqua avec la présente Ragione, où il y synthétise ses arguments, critique le choix d'un vocabulaire élargi à des termes vils ou étrangers, vilipende l'usage de métaphores hasardeuses ou l'incohérence et la boursouflure du style.
UN DES GRANDS HUMANISTES ITALIENS DE SON TEMPS, LODOVICO CASTELVETRO (1505-1571) fut écrivain, théoricien de la littérature, philologue, philosophe, traducteur et commentateur, publiant de nombreux livres et laissant plusieurs inédits – son travail sur la Poétique d'Aristote contribua au développement du néoclassicisme italien et à l'adoption de la règle des trois unités dans les œuvres dramatiques.
D'abord fonctionnaire d'État à Modène, dans les États du duc de Ferrare, Lodovico Castelvetro se voua bientôt à la littérature et entra dans le groupe dit de l'Académie de Modène. Cependant, ses sympathies intellectuelles et morales pour la Réforme lui valurent d'être la victime d'une cabale qui plongea sa vie dans le chaos malgré la protection que lui apportèrent toujours les Este depuis Ferrare. En 1555, avec l'imprimeur Antonio Gabaldini, il fut sommé par le pape de s'expliquer sur ses convictions religieuses, mais, défendu par le duc de Ferrare, il évita tout d'abord les ennuis. Cependant, la polémique avec Annibal Caro s'envenimant, celui-ci accusa Lodovico Castelvetro d'être le commanditaire d'un meurtre. Le mis en cause s'enfuit en 1556 et fut condamné à mort par contumace à Modène. En 1560, Lodovico Castelvetro accepta de se soumettre à un interrogatoire à Rome, mais devant la tournure que prenaient les choses, il s'enfuit de nouveau par crainte de la torture, et fut condamné pour hérésie. Réfugié en Suisse, il séjourna d'abord à Chiavenna dans les Grisons, où s'était formée une colonie de réformés italiens, puis, invité à Genève, il y occupa une chaire académique de 1564 à 1566. Le reste de sa vie fut ballottée entre Genève, Lyon et Chiavenna où, hormis un séjour à Vienne où il fut reçu avec honneur par l'empereur, il acheva ses jours.
Note bibliographique ancienne en italien, à l'encre au titre ; manchettes marginales anciennes en français, à l'encre.
L'EXEMPLAIRE DU MARQUIS DE QUINCY (ex-libris manuscrit au titre). Général d'artillerie, Charles Sevin (1666-1736) fut gouverneur d'Auvergne, grand-bailli de Meaux, et publia en 1726 un célèbre ouvrage sur L'Art de la guerre.