Lot n° 141

BOGUET (Henri) — Discours des sorciers, tiré de quelques procez, faicts dez deux ans en ça à plusieurs de la mesme secte, en la terre de S. Oyan de Joux, dicte de S. Claude au comté de Bourgongne.

Estimation : 4000 - 5000 €
Adjudication : 10 000 €
Description
Lyon, Jean Pillehotte, 1602. In-8, vélin souple, plats et dos en veau fauve remontés, les plats ornés d'une large frise de rinceaux à froid, d'une devise dorée en encadrement et d'un bouquet de glands doré au centre, boîte de percaline verte (Reliure de l'époque).Édition originale d’une rareté proverbiale de ce célèbre traité de démonologie.
L’implacable chasseur de sorcières Henri Boguet (1550-1619), à la réputation de « brûleur féroce », exerça la charge de grand-juge de Saint-Claude, en Franche-Comté, de 1596 à sa mort. « Il n'y eut jamais un juge plus scrupuleusement exterminateur », écrivait de lui Michelet, qui perpétua sa légende noire, tandis que Stanislas de Guaita estimait qu’« entre les plus féroces démonologues de son temps, Henri Boguet se distingue par son atrocité naïve, doublée d’une imperturbable sottise. »
Source fondamentale pour les historiens de la sorcellerie, cet « ouvrage rarissime de démonologie est en quelque sorte le résumé de toutes les absurdes légendes de sorcellerie qui avaient cours à l’époque » (Caillet). Conçu comme un manuel, il s’appuie sur des interrogatoires et des procès réels, conduits par l’auteur en sa juridiction de Saint-Claude, et s'avère de ce fait particulièrement intéressant pour l’histoire de la Franche-Comté au XVIIe siècle. L'ouvrage eut d'ailleurs une influence durable dans les cours de justice des parlements et des bailliages, où il a « longtemps servi de code de torture pour persécuter les malheureux accusés de sorcellerie » (Caillet), et où les 71 articles de l'Instruction pour un juge en fait de sorcellerie qui s'y trouvent ont pu « jouer le rôle d'un véritable bréviaire pour les juges subalternes » (Mandrou).
Une légende veut que Boguet ait lui-même fini sur le bûcher pour crime de sorcellerie et que sa famille ait racheté en sous-main la plupart des exemplaires de son livre pour les détruire.
De fait, cette première édition est excessivement rare. Guaita, qui avait réuni six exemplaires du Discours des sorciers, n'en possédait pas l'édition originale, laquelle est demeurée inconnue à Caillet (qui ne cite que les rééditions faites à Lyon, Paris et Rouen entre 1603 et 1610) et manque à la Bibliotheca esoterica de Dorbon comme à pratiquement toutes les collections sur la sorcellerie. L'USTC n'en cite que cinq exemplaires, dont deux en France et trois aux États-Unis.
Exemplaire dans sa première reliure en vélin du temps, sur laquelle on a contrecollé les plats et une portion du dos d'une curieuse reliure du XVIe siècle en veau brun ornée d'une devise latine.
Ex-libris manuscrit ancien sur le titre : C. A. Bretagne (?).
De la bibliothèque Justin Godart (1957, n°189), collectionneur et homme politique lyonnais, avec ex-libris et estampille sur le titre.
Petites rousseurs éparses et quelques taches et très pâles mouillures marginales.
Yve-Plessis, n°851 – Robert Mandrou, Magistrats et sorciers au XVIIe siècle, Plon, 1968, pp. 134-135 – Brunet, I, 1042 – Arbour, n°19412 – Guaita, nos 82-84 et 1175-1177 (éditions postérieures) – Caillet, nos 1320-1322 (éditions postérieures) – Cornell Witchcraft Coll., p. 79.
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