Lot n° 111

Jarry (Alfred). Lettre autographe signée à Rachilde, datée Lundi 7 [sic pour 8 juillet 1907], 4 pages sur un double feuillet in-12 au crayon, avec un dessin original de Jarry représentant le Père Ubu, sous chemise demi-maroquin moderne....

Estimation : 2500 / 3500
Adjudication : 6,500 €
Description
Emouvante lettre d'un Jarry désargenté et déjà très malade, craignant d'être expulsé de son logis de la rue Cassette pour non-paiement, et parlant avec humour de sa maladie. Comme d'habitude, Jarry plaisante sur son état de santé : Nous commençons à être blasé sur l'Impossible, et le Surmâle, roman, était un balbutiement de gosse. Nous nous levons du lit au bout de quarante-cinq ou six jours, et, placidement, tout doucement, et sans nous frapper, nous prenons directement l'express nocturne [pour rentrer à Paris]. Détails : Nos modestes pulsations. tictaquaient à 60 ou 70 en normale. On nous racontait l'année dernière que l'être vivant meurt à 120. Les merdecins [sic] ... considèrent que 120 était notre normale. Il précise que lorsqu'il reprit le train, il avait 148 pulsations ! Quant à son logis de la rue Cassette : croyez-vous que si ça nous amusait une minute de la garder, aucun être vivant y fera rien ? Il a réglé à son concierge ses finances anciennes. Croit-il que je vais me fatiguer l'esprit à déménager ? Les concierges sont pleins de vénération. Mais Jarry annonce qu'il a rapporté de Laval de grands biftecks que nous allons engloutir à l'instant même. Oui, sa santé s'est bien dégradée, mais, plaisante-t-il, tout s'arrange fort bien : nous ne guérissons pas, ni ne ressuscitons pas, madame Rachilde. nous naissons ! Il espère revenir capturer quelques pohassons. En P.-S., il déclare ne pas revenir avant le 15 ou le 20 aout, et permet à Rachilde ou à sa fille Gabrielle d'utiliser son appareil à photo. Jarry mourra quatre mois plus tard. A noter que figure page 4, dans le corps de la lettre, UN DESSIN ORIGINAL DE JARRY, représentant la tête du père Ubu vu de face, tout à fait caractéristique, et dont le style rappelle nettement les autres dessins connus de Jarry sur le sujet. A rapprocher d'autres dessins de même sujet figurant dans d'autres lettres à Rachilde (cf. Michel Arrivé, Peintures, gravures et dessins d'A. Jarry, Collège de Pataphysique, 1968). Ici, le relâchement du graphisme donne au Père Ubu un air fatigué, reflétant peut-être l'affaiblissement de Jarry lorsqu'il écrivit cette lettre. Publiée dans les luvres complètes de la Pléiade (t. III, p. 679-680), mais avec deux grosses erreurs de lecture. Ainsi, on a imprimé : le train à 1 h. 8, au lieu de à 148 [pulsations], et deux coups de rasoir sans em, au lieu de sans eau. Quelques taches et restaurations de papier collant aux pliures.
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