Description
couverture (Mercier, succ. de Cuzin). — La Chartreuse de Parme. Par l'auteur de Rouge et Noir. Paris, Ambroise Dupont, 1839. 2 volumes in-8, demi-maroquin à long grain orangé avec coins sertis d'un filet doré, dos lisse orné en long de fleurons dorés à fond criblé, non rogné, couverture et dos, chemises à recouvrements de demi-maroquin assorti doublées de veau rose, étui collectif (Mercier, succ. de son père, 1913).
Exceptionnelle réunion des deux chefs-d’œuvre de Stendhal accompagnés des contrats d’édition originaux de l’auteur, pièces extrêmement précieuses et uniques. I. Le Rouge et le Noir : Édition originale, très rare et extrêmement recherchée. Manifestement imprimée à 750 exemplaires, cette première édition ne connut pas de tirage en grand papier. Elle est ornée sur le titre de chaque volume d’une vignette d’Henry Monnier reprise sur la couverture. Très bel exemplaire à toutes marges, avec témoins, bien complet de l’avis de l’éditeur, de la note de l’auteur et des plats de couverture. Cité par Carteret dans le Trésor du bibliophile et par Cordier dans la Bibliographie stendhalienne, l’exemplaire a été finement relié par Émile Mercier à l’orée du XXe siècle. Précieuse provenance stendhalienne : l’exemplaire a figuré dans la collection Legrand (1912, I, n°1027), qui avait fait établir tous ses Stendhal par Mercier du même maroquin rouge décoré de fers romantique ; puis dans celle du marquis de Piolenc (1913, n°524), dont les éditions originales de Stendhal, acquises pour la plupart lors de la vente Legrand, avaient été enrichies par ses soins d’autographes parmi les plus précieux, tel celui-ci ; et enfin dans la bibliothèque du marquis Du Bourg de Bozas (1990, I, n°260), héritier de Gustave Chaix d’Est-Ange, avec ex-libris. L’ouvrage est enrichi par l’exemplaire de Stendhal du contrat d’édition du Rouge et le Noir, passé avec Alphonse Levavasseur le 8 avril 1830. Ce précieux document manuscrit, copié sur la première page d’un feuillet in-4 replié et monté sur onglet en tête du premier volume, détaille avec précision les conditions de l’édition du roman d’Henri Beyle, qui ne porte pas encore pour titre Le Rouge et le Noir mais Julien, avant d’être rebaptisé au mois de mai 1830. Stendhal avait repris la première version de son manuscrit, jugée trop courte, en janvier 1830 et n’avait alors achevé que la première partie du roman. Il dut en rédiger la seconde dans la hâte pendant qu’on imprimait la première. Les deux volumes parurent le 13 novembre 1830, sous le millésime de 1831, avec ce sous-titre trop souvent oublié : Chronique de 1830. Par ce contrat, Stendhal vend à Levavasseur « le droit d’imprimer et de publier son roman intitulé Julien ou autrement, à quinze cents exemplaires avec leur main de passe ». Suivent le détail du tirage prévu, en deux éditions, in-8 et in-12, de 750 exemplaires chacune, et les modalités de paiement du manuscrit : vendu 1500 francs par l’auteur, il devra être remis à l’éditeur « vers la fin du présent mois d’avril », délai qui ne sera pas respecté. Enfin, « M. Levavasseur s’oblige à en remettre vingt-cinq exemplaires gratis à l’auteur. Le titre sera Julien, par M. de Stendhal. », etc. Revêtu des signatures autographes d’Henri Beyle et d’Alphonse Levavasseur, le document comporte plusieurs ajouts et corrections de la main de l’écrivain : « Henri Beyle, propriétaire rue Richelieu n°71 » et « Julien ou autrement », ajoutés dans des blancs ménagés par le scripteur ; deux lignes biffées et remaniées concernant le règlement de ses droits par billets à échéance : « remise du manuscrit [...] cinq cents francs en un billet à trois mois et cinq cents francs en un billet à six mois » ; mais surtout, la phrase centrale : « Le titre sera Julien, par M. de Stendhal » ; et, à la fin du document, les mentions « Approuvé l’écriture » et « Approuvé douze mots rayés nuls ». Stendhal a de plus titré le document sur le revers du pli, en marge du second feuillet, en y inscrivant à la plume : « Julien, marché : 1 500 f. en 3 payements 8 Avril 1830 », et encore : « Marché Julien » (voir la reproduction en première de couverture). Provenant des archives de l’écrivain qui furent léguées à sa mort à son cousin, ami et exécuteur testamentaire Romain Colomb, par qui il fut pieusement conservé et légué à sa fille Claire du Bos de Chavanon, ce contrat d’édition du Rouge et le Noir passa ensuite entre les mains d’Auguste Cordier, qui le fit imprimer en 1900 dans son ouvrage Comment a vécu Stendhal, avant d’échoir à Casimir Stryienski. La version établie par Vittorio Del Litto en 1999 dans la Correspondance générale n’a pu être établie que d’après l’ouvrage d’Auguste Cordier. II. La Chartreuse de Parme : Édition originale, très rare et tout aussi recherchée. Elle n’a pas connu de tirage en grand papier. La Chartreuse de Parme, écrivait Balzac dans la Revue parisienne, est dans notre époque et jusqu’à présent, à nos yeux, le chef-d’œuvre de la littérature d’idées... M. Beyle a fait un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit [...] une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et par les gens vraiment supérieurs. Très bel exemplaire à toutes marges, avec témoins, lavé, encollé et parfaitement établi avec les couvertures au complet. Georges Mercier l’a revêtu en 1913 d’une fine reliure dont le décor, inspiré des créations romantiques, a été réalisé avec les fers de son père, à l’identique du Rouge et le Noir relié pour E.-C.-A. Legrand. De la bibliothèque du marquis Emmanuel du Bourg de Bozas (1990, I, n°262). L’ouvrage est également accompagné de l’exemplaire de Stendhal du contrat d’édition de la Chartreuse de Parme, passé le 24 janvier 1839 entre Ambroise Dupont et Romain Colomb, mandaté par Stendhal pour défendre ses intérêts éditoriaux dans cette tractation où il ne souhaitait pas voir son nom cité, se trouvant dans l’impossibilité, « sous peine de perdre sa place, de livrer son nom à la notoriété publique » (Vittorio Del Litto). Ayant commencé à écrire La Chartreuse de Parme le 4 novembre 1838, à Paris, « at Caumartin street », Stendhal en adressa cinquante-deux jours plus tard, le 26 décembre de la même année, les « six enormous cahiers » du manuscrit, aujourd’hui perdu, à Romain Colomb pour « les faire voir to the bookseller ». Devant le refus d’Alphonse Levavasseur de publier l’ouvrage, Stendhal chargea son cousin et homme de confiance de le proposer à Ambroise Dupont, comme il venait de le faire pour les Mémoires d’un touriste, et de négocier avec lui le contrat d’édition. Romain Colomb s’acquitta donc de sa mission : le libraire acheta les droits d’édition pour 2 500 francs. Le document, rédigé de la main de l’éditeur sur le recto d’un feuillet in-4, est soussigné des deux parties et frappé de deux timbres royaux. Il enregistre la vente de « la propriété entière et exclusive, pendant cinq années consécutives, d’un manuscrit intitulé : La Chartreuse de Parme, par l’auteur de Rouge et le Noir ». L’ouvrage parut la première semaine d’avril 1839 ; l’édition en sera presque épuisée à la fin de l’année suivante. Au verso de ce contrat, les deux parties, de nouveau soussignées, ont ajouté en date du 24 juin 1839 deux paragraphes notariés par lesquels se trouvent épuisés les droits de l’éditeur sur l’ouvrage, dont la pleine propriété est rendue à son auteur, toujours représenté par Romain Colomb, Stendhal ayant quitté Paris le jour même pour rejoindre son consulat de Civita-Vecchia. La raison de cette rupture de contrat est bien connue : Stendhal, qui avait dû écourter la fin de son roman devant « l’horreur qu’avait M. Dupont pour la grosseur de ce second volume ou pour un troisième », ne pense plus, dès l'ouvrage paru, qu’à en remanier la structure et le style. Et le vibrant éloge de La Chartreuse de Parme publié par Balzac dans la Revue parisienne du 25 septembre 1840 (cité ci-dessus) viendra encore conforter Stendhal, étourdi de bonheur, dans cette résolution, qui n’aboutira pas cependant à une modification du texte. Provenant également du fonds Stendhal entré en possession d’Auguste Cordier par l’intermédiaire de Romain Colomb, ce contrat d’édition avait ensuite figuré dans la vente Marcel Lévy-Danon (1935, n°678), riche de plus de 170 autographes stendhaliens. Le texte, qui n’avait pas été imprimé par Auguste Cordier, est resté inédit jusqu’en 2006, date à laquelle il fut publié par les soins de Jacques Houbert dans L’Année stendhalienne. Quant à l’avenant au contrat qui figure au verso, il est demeuré parfaitement inédit. Le Rouge et le Noir : Carteret, Trésor, II, 354 (exemplaire cité) ; H. Cordier, Bibliographie stendhalienne, n°87-2 (exemplaire cité) ; A. Cordier, Comment a vécu Stendhal, Paris, Villerelle, 1900, 188-189 ; V. Del Litto, E. Williamson et J. Houbert (éd.), Correspondance générale de Stendhal, Paris, Champion, 1997-1999, III, 764-765. — La Chartreuse de Parme : J. Houbert, « Le Contrat d’édition de La Chartreuse de Parme », in L’Année stendhalienne, N°5, Paris, Champion, 2006, 325-329 ; Stendhal, Journal, in : Œuvres intimes, Paris, La Pléiade, 1982, II, passim.