Lot n° 166

BOSSUET (Jacques-Bénigne). Lettre autographe, en partie codée, [adressée à son neveu l'abbé …

Estimation : 600 - 800 EUR
Adjudication : 910 €
Description
BOSSUET (Jacques-Bénigne). Lettre autographe, en partie codée, [adressée à son neveu l'abbé Bossuet]. Germigny [résidence de campagne des évêques de Meaux, au bord de la Marne], 31 août 1698. 9 pp. in-8 sur 2 bifeuillets et un feuillet simple assemblés sur onglets à l'époque moderne. « ... Je ne m'étonne pas des ménage[ments] qu'on a pour St-Anselme [l'archevêque de Paris Louis-Antoine de Noailles]. TOUT L'ESTAT DE CABALE VA MAINTENANT CONTRE MOY, PARCE QU'ON SÇAIT QUE JE NE SUIS INEXORABLE POUR LA RELIGION ET QU'ON NE M'EN IMPOSERA PAS SUR LA DOCTRINE. J'attends avec impatience ce que la déclaration de 30 [M, c'est-à-dire le prince Louis de Monaco, futur ambassadeur à Rome] fera à Rome, ici elle marque beaucoup, et on ne croit pas Chimène [le cardinal Emmanuel de Bouillon, alors ambassadeur en poste à Rome] + 8 99 5 50 + [bien] à V[ersailles]... Le zèle de Carafa [Louis XIV] s'anime plustost qu'il se ralentit. ON NE SONGE PAS SEULEMENT A ACCOMMODER L'AFFAIRE DE M. DE C[AMBRAY] MAIS SES AMIS ETOURDIS DE L'EFFET DE LA RELATION FONT SEMBLANT DE LE VOULOIR ABANDONNER... Selon toutes les apparences, 24 [B, c'est-à-dire le cardinal de Bouillon] aura peu la confiance dans + 7 72 50 7 97 9 8 5 + [conclave], et le cerf [le cardinal Gaspare Carpegna] se rassurera, quand il verra [le prince de Monaco]... ON CROIT QU'IL FAUT ICI REPONDRE QUELQUE CHOSE A M. DE C[AMBRAY]. J'Y TRAVAILLE, QUOIQUE TOUS LES GENS SENSEZ VOYENT BIEN QU'IL NE FAIT QU'ELUDER ET SE RENDRE PLUS ODIEUX PAR SES ARTIFICES ET DEGUISEMENS... Votre conversation avec Diomède [le cardinal Enrico Noris] me fait grand plaisir. Puisqu'il a bien voulu que vous m'en écrivissiez, dites-luy que l'espérance de la bonne cause est toute en son sçavoir et en son courage qui a paru avec tant d'éclat dans ses livres précédents, que cette affaire mettra le comble à sa gloire. Sans doute qu'il ne croira pas tout ce qu'on dit contre moy. NUL AUTRE MOTIF NE ME FAIT AGIR, QUE CELUY DE VOIR PREVALOIR, SI CELA POUVOIT ARRIVER, LES VAINES DEVOTIONS CONTRE L'ANCIENNE PIETE ENSEIGNEE PAR ST AUGUSTIN ET PAR ST THOMAS. Le détour des actes commandez par la charité est un pur plastrage, qui ne s'accommode nullement avec le dénoue[ment] d'amour naturel. M. de C[ambray] n'a non plus parlez de l'un que de l'autre dans son livre des Maximes. Le quatrième amour a cet avantage, aussi bien que le 5[e] : O[mn]ia in caritate fiant : omnia propter gloriam D[omi]n[i] nostri J[esu] C[hristi]. Soit qu'on le regarde co[mm]e précepte avec l'école de st Thomas ou comme conseil avec l'école relaschée regarde tous les états et non pas le seul état passif, où l'on avoue que tout le monde n'est pas appellé. Enfin on n'explique pas pourquoy la charité commanderoit l'espérance qui, selon le nouveau système, ne luy sert de rien, et ne la peut augmenter... Le P[ère] Alexandre [Piny] n'a point de réponse sur la proposition de la pure concupiscence qui sert de préparation à la justice, quoiqu'elle soit sacrilège. Je n'ay rien à dire là-dessus que ce que j'en ai dit préface n. 47 [sur l'Instruction pastorale de Fénelon]. M. Phélypeaux a très-bien marqué, dans un de ses écrits et dans la qualification de cette proposition, qu'elle égale un acte sacrilège à la crainte ex impulsu Spiritus Sancti, qui ne fait que removere prohibens. On ne peut résister à ses raisons, ni s'empêcher de mettre cette proposition avec les autres censurables. » REPRESENTANT DE SON ONCLE BOSSUET A ROME DANS L'AFFAIRE DU QUIETISME, JACQUES-BENIGNE BOSSUET (1664-1743) était alors abbé de Savigny et serait nommé évêque de Troyes en 1716. L'évêque de Meaux se trouvait opposé à l'archevêque de Cambrai, François de Fénelon, sur la question du quiétisme, inspirée des théories du théologien espagnol Miguel de Molinos, c'est-à-dire sur la conception du pur amour et de l'absolue quiétude comme clefs suffisantes de la perfection chrétienne. Bossuet avait notamment publié en 1695 une Instruction sur les États d'oraison, et Fénelon avait répondu entre autres par des Explications des maximes des saints (1697). La querelle fut portée à Rome où Fénelon se fit représenter par l'abbé de Chanterac et Bossuet par son neveu. Fénelon fut le grand perdant : tombé en disgrâce à la Cour il se vit retirer par Louis XIV son préceptorat et son appartement à Versailles, tandis qu'en 1699 le pape condamna le livre de Fénelon qui se soumit alors.
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