Lot n° 198

WEBER (Carl Maria von). Lettre autographe signée « Charles Maria de Weber », en français, à …

Estimation : 2 500 - 3 000 EUR
Adjudication : 3 380 €
Description
WEBER (Carl Maria von). Lettre autographe signée « Charles Maria de Weber », en français, à Castil-Blaze. Dresde, 4 janvier 1826. Une p. in-4, adresse au dos, déchirure au f. d'adresse. Joint, un certificat d'exportation. Rare lettre en français sur ses opéras Der Freischütz (1820) et Euryanthe (1823). «Il vous a paru superflu de m'honorer d'une réponse sur ma lettre du 15ed'octobre ; et me voilà malgré moi pour une seconde fois dans la nécessité de vous écrire. On m'a fait part qu'on allait monter au théâtre de l'Odéon un ouvrage où il y a des morceaux de l'"Euryanthe". C'est mon intention de monter moi-même cet ouvrage à Paris. Je n'ai point vendu ma partition et personne ne l'a en France. C'est peut-être sur une partition gravée pour piano que vous avez pris les morceaux dont vous voulez vous servir. Vous n'avez pas le droit d'estropier ma musique en y introduisant des morceaux dont les accompagnements sont de votre façon. C'était bien assez d'avoir mis dans le "Freyschütz" un duo d'Euryanthe dont l'accompagnement n'est pas le mien. Vous me forcez, Monsieur, de m'adresser à la voix publique, et de faire publier dans les journaux français que c'est un vol qu'on me fait, non seulement de ma musique qui n'appartient qu'à moi, mais à ma réputation, en faisant entendre sous mon nom des morceaux estropiés. Pour éviter donc toutes querelles publiques –qui ne sont jamais avantageuses tant pour l'art que pour les artistes– je vous prie instam[m]ent, Monsieur, de vouloir lever de suite de l'ouvrage que vous avez arrangé, tous les morceaux qui m'appartiennent. J'aime à oublier le tort qu'on m'a fait. Je ne parlerai plus du Freyschütz; mais, finissez là, Monsieur, et laissez-moi l'espérance de pouvoir nous rencontrer une fois avec des sentiments digne[s] de votre talent et de votre esprit...» Virulente protestation, emblématique de l'évolution historique dans l'attitudes des auteurs vis-à-vis de leurs droits. Castil-Blaze fit représenter le 7décembre 1824 sa version de l'opéra Der Freischütz au théâtre de l'Odéon sous le titre Robin des Bois ou les Trois balles, avec succès. Cependant, Carl Maria von Weber se plaignit des altérations que son œuvre y subit, et écrivit deux lettres de protestation à Castil-Blaze (une le 15décembre 1825 et la présente le 4janvier 1826), auxquelles celui-ci ne répondit pas. Pour éviter toute représentation future, il demanda alors à l'éditeur musical Maurice Schlesinger de faire publier ses deux lettres de protestation dans la presse française, ce qui fut fait, mais seulement dans LeCorsaire et dans L'Étoile. Il ne put empêcher cependant Castil-Blaze de faire monter à l'Odéon le 14janvier 1826 un pot-pourri intitulé La Forêt de Sénart, ou la Partie de chasse de HenriIV, mêlant des arrangements à partir d'œuvres de plusieurs auteurs, dont Euryanthe. Le compositeur, librettiste, traducteur et musicographe Castil-Blaze (1784-1857), de son vrai nom François-Henri-Joseph Blaze fit représenter plusieurs arrangements personnels d'œuvres de Beethoven, Gluck, Grétry, Mozart, ou Weber. Dans ses Mémoires, Hector Berlioz dénonça un véritable travail de mutilation: «il n'y a presque pas une partition de ces maîtres qu'il n'ait retravaillée à sa façon; je crois qu'il est fou.»
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