Lot n° 147

[EMPIRE OTTOMAN] — Réflexions sur la nécessité de distraire au Levant les fonctions diplomatiques d’avec les fonctions consulaires par Louis DUPÉROU. — Mémoire d’un ancien agent consulaire, adressé « au citoyen ministre ».—...

Estimation : 1 500 - 2 000 €
Adjudication : Invendu
Description
Manuscrit autographe in-folio de 4 ff. sans lieu, 23 pluviôse an 4 (12 fév. 1796). — 16 pages écrites à l’encre brune sur papier vergé filigrané sur une colonne.
Il sera sans doute permis à un homme qui désire sincèrement le bien de son pays de soumettre à la sagesse du gouvernement quelques réflexions qui par leur nature pourront peut-être favoriser l’accroissement de notre commerce du Levant et de Barbarie.
L’horizon politique est encore couvert d’épais nuages. C’est surtout dans les contrées orientales que paraissent s’élever les plus violentes tempêtes. Ces terres lointaines deviendront sans doute le théâtre de grands événements. Le temps n’est plus ou l’ambassade de Constantinople était une place du second rang. La nature de la révolution française, les nouvelles combinaisons politiques qui se sont opérées dans les cabinets de l’Europe, la marche de la diplomatie moderne, la stagnation momentanée de notre commerce du Levant, la défection de plusieurs de nos agents dans ces contrées fertiles ,le désordre de nos Echelles, le chaos dans la comptabilité, la suppression de la Chambre de Commerce de Marseille ;en un mot ,l’ascendant que prennent dans ces pays nos rivaux, tout concourt à prouver que l’ambassade de Constantinople est devenue une mission du premier ordre […] C’est sous ces différents rapports que le choix dont le gouvernement français vient d’honorer le citoyen Aubert-Dubayet pour la place d’ambassadeur plénipotentiaire à la Porte Ottomane me parait sans doute mérité […]La Russie marche à grands pas vers l’achèvement de ses projets sinistres .L’asservissement de la Turquie d’Europe, tel est le but ouvert de sa constante politique. C’est aujourd’hui surtout que les moments lui paraissent favorables à la réussite de ses vues ambitieuses ; en effet après avoir démembré la Suède asservi la Courlande, partagé la Pologne ; après avoir envahi la Crimée, étendu sa domination sur la mer noire et morcelé l’Empire Ottoman ; après avoir fait flotter son pavillon sur la mer Caspienne et englouti la plus grande partie de l’Asie ; Catherine aurait cru ternir l’éclat de sa gloire, si elle n’eut encore enchainé sous son sceptre les terres de l’antique Grèce. Incorporer dans ses domaines la patrie de ces hommes illustres dont les faits et les grandes actions ont étonné l’univers entier et dont les vertus plus qu’humaines commanderont encore l’admiration de la postérité […] Cette opération importante devait sans doute enter dans les plans d’une femme qui, mue par tous les sentiments de la gloire, n’aspire qu’à la célébrité. Cette opération devait ajouter à sa renommée et immortaliser sa mémoire. C’est dans un pareil ordre de chose que la politique du cabinet de St Pétersbourg tiendra en échec tous les efforts de notre ambassadeur prés la Porte Ottomane. Tous ses moments seront absorbés par les occupations majeures que lui donneront d’un côté les affaires purement diplomatiques et de l’autre les opérations militaires […] Comment le gouvernement pourrait-il encore se reposer sur lui du soin de donner l’impulsion et le mouvement nécessaires à nos relations commerciales. Le gouvernement pourrait-il exiger que le citoyen Aubert Dubayet put encore remplir cette tache ? Je maintiens la négative. C’est ainsi que je pense qu’il est indispensable pour l’existence et l’accroissement de notre commerce du Levant et de Barbarie de distraire pour le moment des opérations consulaires des opérations diplomatiques et de charger en particulier un citoyen de la direction des Echelles du Levant et de Barbarie […]Pour donner plus de force à l’opinion que je viens d’émettre sur la nécessité de nommer un Consul général du commerce du Levant ,j’aurai l’honneur de vous rappeler ,citoyen ministre ,que le cabinet anglais ,après avoir détruit pour le moment tout notre commerce des colonies, s’attache plus particulièrement à nous arracher avec une cruelle ténacité notre riche commerce du Levant et de Barbarie. Les résultats de ce commerce intéressant sont trop avantageux à la France pour que notre gouvernement néglige les occasions et les moyens de l’entretenir et de les restaurer. C’est lui qui, dans les temps paisibles, fait fleurir tout le Midi de la France ; c’est lui qui alimente nos manufactures, c’est lui qui ouvre un vaste débouché à toutes nos productions territoriales et coloniales, c’est lui qui occupe nos ouvriers, qui nourrit leurs familles, c’est lui qui anime et perfectionne leur industrie, c’est lui, qui donne la plus grande activité à notre marine marchande, c’est lui qui instruit nos navigateurs et forme nos matelots. On voit par cet aperçu léger combien sont avantageuses à la France les relations commerciales qui attachent notre nation à l’Empire Ottoman […]
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