Lot n° 15

JAURÈS (Jean) — Né à Castres. 1859 - mort assassiné en juillet 1914. Agrégé de philosophie.

Estimation : 2000 - 3000 €
Description
Orateur et homme politique socialiste. Fondateur de L’Humanité. Premier Président du Parti socialiste français. M.A.S. « Jean Jaurès » et titré « Effort nécessaire ». S.l.n.d. [Paris, 13 avril 1905]. 19 pages 1/3 in-4, numérotées.
Rare et important manuscrit du député socialiste Jean Jaurès lors de l'élaboration de la loi de séparation de l'Église et de l'État en avril 1905. Manuscrit de premier jet (ratures et corrections, bavures et taches d'encre), préliminaire à un article paru dans L'Humanité le vendredi 14 avril 1905, en une du journal que Jaurès avait fondé, sous le titre « EFFORT NÉCESSAIRE » (annotation en tête au crayon bleu de prote). Au cœur de la 13e journée de débat à la Chambre des députés : Jaurès, favorable à la loi de Séparation, en défend l'article 2 « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte... » ; il minimise l'importance de l'amendement à cet article déposé par les députés de l'aile droite, Maurice Sibille, Jules Legrand et Georges Leygues, qui visait à l'instauration d'aumôniers dans les établissements publics : Cet amendement, dit-il, ...n'a pas, en soi, une grande importance (...). Pas une minute la Commission n'a songé à retirer ou aux détenus, ou aux malades, ou aux écoliers la possibilité de pratiquer leur religion, et d'appeler le ministre de leur culte, dans la prison, dans l'hôpital ou dans l'école. Et il va de soi que ces ministres des Cultes, même dans le régime de la Séparation, pourront être payés par l'État ou par l'intermédiaire de l'État (...). Il n'y a pas là, comme la expliqué M. Bienvenu-Martin [le ministre des Cultes], la moindre dérogation au principe même de la loi nouvelle qui interdit à l'État, aux départements et aux communes, de subventionner un Culte quelconque. (...) Tous ces faits où l'État intervient, mais comme délégué et substitut des particuliers et non pas pour reconnaître et subventionner un culte, ne sont donc pas contraires à la neutralité religieuse instituée par la loi de Séparation. Ce qui est vrai, c'est que l'État, quand la Séparation sera votée, devra s'efforcer de choisir un mode de comptabilité qui, même pour ces cas un peu ambigus, le dégage de toute apparence d'intervention confessionnelle. (...) Mais encore une fois la Commission et le ministre avaient raison de dire, contre M. Sibille que ces sortes de paiements faits par l'État, en qualité de mandataire et pour le compte de mineurs, n'entamaient pas la grande loi de neutralité confessionnelle votée par la Chambre. Il était donc inutile de formuler, comme M. Sibille le proposait, une disposition légale les permettant. M. Sibille la emporté de quelques voix, et cela ne change rien au fond des choses. À la droite et au centre, opposés à la loi, se sont joints les républicains, qui, pense-t-il, ont eu tort de les rallier car, l'œuvre de la Séparation va se poursuivre avec fermeté. Les cléricaux et les progressistes ont affecté un moment de triompher d'un succès assez illusoire et qui ne compromet aucune des parties essentielles de la loi. Celle-ci est assez largement libérale, assez soucieuse de ménager tous les droits et même toutes les habitudes pour que les plus inquiets de liberté puissent la voter sans modification notable. Dès maintenant, et quelle que soit la multiplicité des amendements, la Chambre est visiblement résolue à aboutir (...). Il faut que le gouvernement et la majorité, dont le vote d'hier soir n'a ni rompu l'accord ni entamé la force, considèrent comme un devoir supérieur de délibérer d'un effort continu jusqu'à l'achèvement de leur œuvre. Dès maintenant le terrain est déblayé. Il ne reste plus que deux grandes batailles à livrer, sur la question des associations cultuelles et sur celle des édifices religieux... La loi de Séparation de l'Église et de l'État, mesure emblématique de la IIIe République, doit énormément à l'action des socialistes. Trois d'entre eux ont particulièrement contribué à la conception, à l'inflexion démocratique, et à l'adoption de la loi en décembre 1905 : le jaurésien Aristide Briand, qui en fut le rapporteur émérite, le manœuvrier qui a mené la Commission des trente-trois où il voulait la conduire, Francis de Pressensé, l'inspirateur, l'initiateur du processus législatif, et le député du Tarn, Jean Jaurès, le chef reconnu, qui montra la voie et intervint dans les moments décisifs.
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