Lot n° 761

[Jean-Paul SARTRE (1905-1980)]. Germaine MARRON, étudiante.6 lettres autographes signées « G. Marron » (sauf la dernière incomplète de la fin), [1927-1929], à Jean-Paul Sartre ; 20 pages in-4, enveloppes (dont une annotée par...

Estimation : 1 500 / 2 000
Adjudication : Invendu
Description
Sartre).Correspondance amoureuse d’une jeune étudiante à Sartre, alors âgé de 22 ans, et étudiant à l’École Normale Supérieure. Ces lettres témoignent de la fascination qu’exerçait déjà le jeune homme. Lundi matin [31 octobre 1927]. « Mon cher petit camarade, enfin je vais avoir votre photo. Elle arrivera juste à temps, car j’allais vous oublier complètement, et c’aurait été un désastre ! […] Je lis Nietzsche, et je vous demanderai certainement des explications, mais je crains qu’à ce rythme (une tous les 8 ou 10 jours) la lecture dure un peu longtemps. […] Mon cher amour vous me manquez de plus en plus, ma pensée est vers vous tous les instants, et mes lettres ne sont que de pauvres petites choses ridicules, incapables d’exprimer la moitié de ce que j’ai à vous dire. […] Je vous aime et ne saurai rien vous dire en dehors de cela »… [21 novembre]. « Dimanche matin encore très lasse d’avoir dansé j’ai couru à la boîte aux lettres et j’ai reçu en pleine figure un tas de choses désagréables et imméritées. Si vous recommenciez je vous enverrais une simple carte de visite adressée à Monsieur Sartre et ce serait bien fait pour vous. […] Je suis heureuse de vous revoir bientôt, du reste aujourd’hui je suis heureuse de tout, c’est peut-être à cause d’un soleil merveilleux que j’ai admiré longuement ce matin. Je vous aime (je m’étais juré de ne pas vous le dire dans cette lettre) parce que je vous avais trouvé vraiment trop sale type. […] Je vous adore »… Jeudi matin [19 janvier 1928]. « Mon cher amour, je ne puis arriver à me consoler d’avoir été aussi stupide, pendant quelques jours, en tout, en ce qui vous concerne, si je ne l’avais pas su, j’en aurais été bien persuadée après la lecture de votre lettre, où tout au long vous me traitez d’imbécile, c’est très juste mais j’en suis restée accablée pour longtemps […] J’avais pris la résolution de ne plus vous écrire. […] Je n’aime pas et trouve assez faux le système des lettres, mais comme c’est le seul moyen possible pour rester en relation je suis bien forcée de m’y soumettre […]. C’est idiot, mais votre dernière lettre, par sa justesse m’a fait perdre la confiance que j’avais en moi. Je vous aime et ne me grondez pas trop fort, la prochaine fois ». Elle s’inquiète de la santé de Nizan… Mardi [21 mars]. « Depuis plus de 8 jours je vous avais complètement perdu et j’avoue n’avoir fait aucun effort pour vous repêcher, vous étiez pour moi quelque chose de très lointain, presque passé. Cet état d’indifférence n’était peut-être qu’une forme de l’exaspération où me plongeait votre silence ». Elle parle d’Alain-Fournier dont elle lit la correspondance avec Jacques Rivière, qui la passionne. « Je suis heureuse de vous avoir retrouvé, j’avais peur d’avoir à attendre votre venue à Lyon, j’ai été très malheureuse pendant quelques temps, c’était pire que la solitude. J’ai pleuré beaucoup parce que je suis sans doute encore très près de la sensiblerie. Je suis mécontente de moi, je méprise peut-être un peu les autres, et pourtant je ne vaux pas plus qu’eux. Je vous aime et vous attends avec joie, alors quand je serai tout près de vous je serai heureuse, je voudrais être près de vous ce soir »… Vendredi matin [29 juin]. « Mon aimé, je vous adore encore davantage s’il est possible. Peut-être est-ce parce que je suis plus gaie et plus sûre qu’auparavant de rester joyeuse. Je pense que mes bains à l’Océan n’enlèveront pas le souvenir de vos caresses, car je vous vois très mal après quelques semaines de séparation, mais je sens si nettement votre présence, vos bras autour de mon corps. […] Je vous adore, comme je n’ai jamais adoré personne au monde. Je vous embrasse sans déranger vos cheveux, puisque la petite mèche qui vient comme ceci [dessin de mèche] sur le front est le seul mode de coiffure qui vous aille »… Mardi soir [1929] (incomplète). « Hier j’ai pensé à vous avec angoisse, et comme j’y pense souvent, vous pouvez vous rendre compte de ce que fut ma journée ; angoisse bien masquée car j’ai été fort garce, j’ai ri consciencieusement aux plaisanteries gentilles des camarades. […] J’ai appris cette après-midi à mon père que vous alliez arriver bientôt. […] Soyez persuadé qu’il vous méprise beaucoup de faire ce qu’il doit appeler un voyage, une dépense inutile ». Elle a lu Le Grand Meaulnes : « ça ne m’a pas passionnée. Depuis 3 semaines j’essaye d’attraper à la bibliothèque du bahut le second volume des Jeunes filles en fleurs »…
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