Lot n° 192

Marie Gigault de Bellefonds, marquise de Villars (1624-1706) épistolière, épouse du diplomate Pierre de Villars, amie des marquises de Sévigné et de Coulanges ; elle était réputée pour son esprit, et Saint-Simon la disait « salée,...

Estimation : 1 000 / 1 500
Adjudication : 1 700 €
Description
plaisante, méchante » ; mère du maréchal de Villars.Lettre autographe, signée d’une fermesse, Paris 25 août [1673], à la marquise de Sévigné ; 7 pages petit in-4, adresse avec cachets de cire noire aux armes sur lacs de soie rose (petites réparations).Belle et longue lettre à Madame de Sévigné, véritable gazette du temps.Elle évoque d’abord leurs échanges de lettres, et se « mefie de ces jeunes abbés » [l’abbé de Grignan] à qui elle confie ses lettres. Puis elle en vient aux nouvelles : « Qui ne croiret que dans cette grande conjoncture daffaire lon en auret mille a ecrire. Cependant il faudret avoir perdu le sens pour simaginer en savoir aucune vraye et ilya un an que jentans tousjours dire ce que lon dit apresent qui est qu’avant quil soit trois semeines lon scaura pressisement a quoy lon sen doit tenir de la paix ou de la guerre. Alheure quil est lon est pas receüe a douter que dans 15 jours tout sera esclaircy ».Elle relate le départ de Louis XIV pour l’Alsace, et la campagne du Rhin, à laquelle participent son fils et celui de Mme de Sévigné : « Leur M[ajes]tés partent demain pour Brisac ils marcheront sept jours. Le temps du sejour est incertain lon dit pourtant 15 jours. Nos enfans [son fils Louis-Hector de Villars, futur maréchal, et Charles de Sévigné] cependant sont vers Andernact [Andernach] dans des pays affreux. Nostre honneste homme [Villars] escrit quil y a des endroits fort propre a resver, je pense quil y promene des pensées bien amoureuse et dune grande constance. Il mande a Mlle de Lestrange que si elle et la comtesse [de Fiesque] ne luy escrive quil sen plaindra aux arbres et aux rochers. Sil se plaint à Escho je croy bien que pour preste quelle puisse estre a luy respondre il nait oublié ce quil luy aura dit et ne traitte de galimatias ce que la pauvre nimphe luy aura respondu car cest un petit fripon, mais pour La Fare [Charles-Auguste marquis de La Fare] cest la merveille de nos jours il est encore venu faire un voyage icy pour amirer la laideur de sa dame [la marquise de Rochefort ?] ».Puis elle en vient aux « loüanges du Roy » et à la relation par M. de Brancas « en forme de lettre à Mr de Villars [mari de la marquise, ambassadeur à Madrid] du siege de Mastric [Maestricht] et de tout ce qu’a fait le Roy nostre maistre il nya rien de mieux escrit. Le Roy la leüe et en a esté tres contant il a raison sela est tres beau. Il descrit les belles et grandes calités du Roy dune maniere galante et solide. Cest pour faire mourir les Espagnols denvie ou damour pour un tel prince. Mr de Villars la fera traduire en leur langue »... Elle revient à Brancas : « le pauvre homme a besoin de quelque chose qui le resjouisse car il me mande quil est bien chagrin. […] Sa fille la princesse [d’Harcourt] sest jettée dans la devotion je dis jettée teste premiere. Il faut dire la verité elle fait de tres belle et bonne choses il nest pas la moindre question du monde de beauté et dajustement. Elle prie elle jeune elle va à l’Hostel Dieu aux prisons et paraist veritablement touchée ».Quant à Mme de Marans, « jay voulu voir cette grande vision je ne juge point des devotions de personne, mais l’absorbée retraitte de cette creature me convaincq beaucoup. Je lay veüe et entretenue lontemps toutes les bagatelles et les incertitudes de son esprit en sont entierement bannie il ne luy reste donc que de lesprit qui ne la fait parler ny trop ny trop peu luy fait juger du passé du present et de lavenir avec raison et tranquilité ne souhettant chose au monde se trouvant a merveille dans le plus vilain et le plus eloigné cartier de Paris sa chembre luy plait soccupant avec joye de sa lecture et de quelques ouvrage alant apié a la paroisse ou elle borne toutes ses devoctions sans chercher icy et la les directeurs et predicateurs de reputation. Sy sela ne vous plait et ne vous touche je ne scay ce quil vous faut ».Nouvelles d’autres dames : Mme de Meckelbourg « loge dans la vraye petitte chembre » de Mme de Longueville ; Mme de Brissac « couche bien aussy dans celle ou est morte » la princesse de Conti. « Je croy que leur interieur est sainct ». Mme de Longueville est à la campagne. « Jay beau voir de bonnes jens vous ne me perdrés point de veüe peutestre vous faudret il baisser pour me donner la main jamais je nay veu sy peu avancer que je fais en devotion ». Elle a fait les compliments de la marquise à Mme de Noailles ; elle transmet ses amitiés à M. et Mme de Grignan et invite sa correspondante à venir à Paris.Elle ajoute que Monsieur et Madame sont partis pour leur château de Villers-Cotterêts ; leur surintendante Mme de Monaco a été malade. « Mr de Vivonne lest considerablement à Nancy il luy a falu faire une incision depuis lespaule jusques au coude ». Elle a eu des lettres de Madrid : « malgré la hayne que lon y a pour nostre nation lon y conserve beaucoup damitié et de consideration pour Mr de Villars. Lon luy a donné au lieu du marquis de La Fuente [Las Fuentes] qui est mort qui estet le ministre avec lequel il traitet les affaires le duc d’Albuquerque. Il sennuye autant qun honneste homme se peut ennuyer dans un tel peys surtout depuis toutes les incertitudes de paix ou de guerre ».Publiée par Monmerqué en 1827 dans les Lettres inédites, puis dans l’édition des Grands Écrivains de France (t. III, 1862, p. 224, n° 328) ; Bibl. de la Pléiade (éd. R. Duchêne, t. I, p. 590, n° 324).Elle provient, selon une note inscrite en tête de la lettre, de la marquise de Perrier, descendante de Mme de Sévigné.
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