Lot n° 30

[INDES]. Copie manuscrite d’époque d’une longue lettre du Père Thomas de Poitiers, Supérieur général des missions des Capucins de Madras et de Pondichéry, à Pierre-Christophe Lenoir, gouverneur de Pondichéry, Madras 3 septembre 1733 ; un...

Estimation : 600 / 800
Adjudication : 1300 €
Description
volume in-fol. de 77 pages, reliure basane brune de l’époque, de facture indienne, sous emboitage moderne maroquin brun (reliure usagée, mouillures aux premiers ff, petits trous et galeries de vers).
Important manuscrit pour l’histoire de l’Inde française au début du xviiie siècle, ignoré des historiens de l’Inde, Martineau, Jouveau-Dubreuil et Labernardie. L’auteur, le Père Thomas, aux Indes depuis les dernières années du xviie siècle, est le supérieur de la mission des Capucins à Madras et à Pondichéry depuis le début des années 1720. Ce texte inédit raconte le conflit entre les Jésuites, notamment le P. Tachard, et les Capucins, de 1699 à 1715, conflit marqué par l’éviction des Capucins et leur retour à la mort de Louis XIV. La lettre fut écrite à la suite d’une plainte des Jésuites auprès des directeurs généraux de la Compagnie des Indes, démarche dont ne s’étonne point le P. Thomas : « comme je connois ces Rds Peres, et que je sçais qu’ils ne pardonnent jamais, et n’abandonnent point leurs ennemis jusqu’à ce qu’ils les ayent ecrasé, je ne m’étonne point de ce que dans un temps ou tout est pacifique entr’eux et nous, ils commencent encore à nous troubler »… Suit un long exposé des griefs des Capucins : saisie de terrains, occupation d’une église, l’attaque mise en œuvre par le « fameux Pere Tachard » sur une pagode (« on fait casser les portes, on entre jusque dans l’interieur, on maltraitte les Brames qui y etoient, on renverse leurs sacrifices, on met en pieces les vazes destinez pour cela, et on ordonne aux écoliers de faire leurs necessitez sur touttes les idolles », etc.), violence qui précipita la fuite des Malabars de la ville… Il dénonce d’autres méfaits pendant le siège de la ville par les Hollandais [1693], parle du gouverneur Martin, du P. Dolu, de l’évêque de Saint-Thomé, de plusieurs brahmes et de Mgr de Tournon, qui comprit les manœuvres ambitieuses et délétères des Jésuites… Sur deux colonnes, couvrant 7 pages, il démontre la ressemblance entre les cérémonies que les chrétiens malabars des Jésuites observent dans leurs mariages, et celles des Gentils : « la superstition en saute aux yeux »… Il termine en décrivant et citant les prières que font les Malabars en se servant de la cendre faite de la fiente vachère, et en regrettant la longueur de sa relation : si Lenoir n’était pas sur place, et à même de se faire informer de tout, il craindrait de lui écrire toutes ces choses. « Je m’imaginerois que vous auriez de moy la même idée qu’on a eüe en Europe aussy bien que des autres missionnaires qui en ont parlé. Comme il y a des circonstances si extraordinaires et si extravagantes, on n’a jamais voulu les croire. Il faudroit, dit-on, que les jesuittes fussent des fols ou des diables. Ce sont, a-t-on dit, leurs ennemis qui écrivent cela. Ce sont des calomniateurs »… Il l’invite à vérifier tout ce qu’il écrit auprès des vieux habitants et des documents déposés au greffe, les Jésuites n’ayant pas tout détruit. « Je souhaiterois que Mrs les Directeurs Generaux fussent aussy convaincus de la verité que j’espere que vous le serez. Ils n’ecouteroient plus si favorablemt les plaintes que les jesuittes pouront leur faire dans la suitte contre les capucins »… Provient des archives de Jean Law de Lauriston, gouverneur de Pondichéry de 1764-1777 (vente 1972). Lot présenté par Monsieur Thierry Bodin Les Autographes 45, rue de l'Abbé Grégoire 75006 Paris
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