Lot n° 223

Stéphane MALLARMÉ. L.A.S. « Stéphane M. », Londres Dimanche soir [13 août 1871, à son ami Henri Cazalis] ; 4 pages in-12, avec écriture croisée à la dernière page.

Estimation : 4 000 / 5 000
Adjudication : 6 100 €
Description
Belle lettre de Londres, à propos de son amie anglaise Ettie Yapp (1845-1873), fille d’un correspondant du Daily Telegraph à Paris ; un temps fiancée d’Henri Cazalis, elle épousera l’égyptologue Gaston Maspero le 11 novembre 1871. Mallarmé est venu à Londres pour l’Exposition internationale comme correspondant de quatre journaux. « Je ne t’ai pas encore écrit, parce que dépecer ce monstre qu’on appelle une Exposition, pour faire des articles mauvais, mais consciencieux (mauvais, parce qu’il est impossible de rien dire en quatre fois,) est l’affaire de quelques jours. Cela, grâce encore à M. Yapp, qui fut bon et exqui pour moi ». Il parle alors de Mlle Yapp : « Au premier regard, j’ai compris la chère Ettie, refroidie, et semblable à une jeune femme qui ne s’est pas mariée. J’ai été profondément ému, et, je te le dirai, attristé longtemps. Pendant un instant de solitude près de moi, Madame Yapp m’a demandé si j’avais vu “Monsieur Cazalis qui a brisé la vie de la pauvre enfant, laquelle cependant ne souffre plus ; mais ce n’en est pas moins amer.” Hier soir enfin, la chère Ettie m’a invité au balcon, et nous avons été longtemps sans pouvoir trouver un mot à nous dire [...] Nous avons parlé de toi, elle te juge sainement, en femme qu’elle est devenue, et ne t’en veut pas, comprenant que c’est pour elle que tu l’as quittée mais ne comprenant pas que tu l’aies quitté. Selon elle, tout est fini, parce qu’elle a principalement perdu la confiance en toi. Son intention même a été de me dire de te prier que tu brûlasses les lettres que tu possèdes d’elle. J’ai voulu parler de ta tristesse, qu’elle devinait, comme une chose lointaine, mais sûre. Elle m’a assuré ne plus vivre qu’en Florence [sa sœur], laquelle se mariera peut-être bientôt. Elle, ne se mariera pas. Toutefois elle a su avoir deux dernières larmes, froides et virginales, qui me font mal ce soir même. [...] Je trahis sa confiance amicale. S’informant si tu savais qu’elle n’était pas mariée, où elle était – elle m’a prié de ne pas te parler d’elle. Je puis lui désobéir. [...] Je ne dois, du reste, que te la dépeindre strictement. Je regrette ce qui est perdu, pour vous deux : je te le dis en vieil ami »... En post-scriptum : « Je ne crois pas pouvoir t’écrire cette lettre, sans te prier de la brûler, n’est-ce pas ? »... On joint un tiré à part de l’article de Lawrence Joseph, « Mallarmé et son amie anglaise », Revue d’histoire littéraire de la France, juillet-septembre 1965, où cette lettre est publiée pour la première fois.
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