Lot n° 172

CREVEL, René. Dali ou l'Anti-obscurantisme. Paris, Éditions surréalistes (José Corti), 1931. In-8, maroquin janséniste noir doublé de box gris, dos lisse avec titre au palladium en long, non rogné, tête au palladium, couvertures conservées,...

Estimation : 8000 / 12000
Adjudication : 7 500 €
Description
étui (Boichot).
Édition originale.
Tirage limité à 615 exemplaires : un des 600 sur vélin blanc (n° 38).
“Fasciné par le peintre, Crevel se hâta de rejoindre Vernet-les-Bains pour s'y enfermer et y rédiger
en deux semaines Dali ou l'Anti-obscurantisme. Aussi n'est-il guère surprenant que dans ces pages
soient soulignés les ‘dons d'expression prodigieux’ de l'artiste, et que, outre ceux du peintre, du
sculpteur, du poète et du philosophe, soient célébrés ceux de l'orateur à l'éloquence on ne peut
plus directe. Son texte est une description de l'enfer moderne, lequel est évoqué sur le mode de
la cérébralité, du machinisme... Pour Crevel, la pensée de Dalí, mais aussi sa peinture, représente
dans un monde dominé par la ‘théorie de la mort’ la libération de l'esprit, la possibilité de la part
de l'imagination de récupérer ses droits abolis" (Félix Fanès).
Envoi autographe signé :
à P aul Valéry,
en hommage
René Crevel
Pour un poète que le jeune Crevel a si passionnément aimé, ce simple “hommage” paraît
un peu court… Mais le 22 janvier 1931 Valéry avait commis un impair que le surréaliste et
communiste Crevel ne pouvait lui pardonner : la réception de Philippe Pétain à l'Académie
française.
Le poète exquis et rigoureux de La Jeune Parque, celui qui avait écrit cette phrase souvent citée
par Crevel – L’espoir n’est que la méfiance de l’être à l’égard des prévisions de son esprit –, gravait sa prose
sur le fronton de la culture d'État ! La riposte à cette alliance “du sabre et du porte-plume”
fut cinglante. Et Crevel de rappeler : “On n'a pas oublié la grande parade académique du
printemps dernier, lorsque M. Paul Valéry reçut (et comment !) le maréchal Pétain. La Société
des gens de lettres, la dame de l'hôtel Massa, a massé de son mieux M. le général Weygand”,
ce “scrogneugneux à feuille de chêne”. Puis il s'en prit au maréchal Lyautey, “cette vieille
coquine et moustachue de Lyautey (...), vieillard obscène. Et maintenant que vous n'avez plus
le Maroc, l'Exposition coloniale où puiser pour la satisfaction de désirs que vous croyez ceux
d'un grand capitaine romain, de quelle pissotière officielle la Troisième République va-t-elle
vous faire cadeau ?”
Un ultime “hommage”, donc, par fidélité aux passions anciennes, mais non dénué de
perfidie, car inscrit sur un livre-molotov jeté contre l'obscurantisme.
Élégante reliure janséniste moderne de Thomas Boichot.
Habiles restaurations aux couvertures dont les rabats ont été retirés.
Fanès, “Dali, l'homme invisible”, in René Crevel ou l'Esprit contre la raison, Mélusine, n° 22, 2002, p. 189 et suivantes.
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