Lot n° 173

CÉLINE, Louis Destouches, dit Louis-Ferdinand. Voyage au bout de la nuit. Roman. Paris, Éditions Denoël et Steele, 1932. Fort in-12, broché, emboîtage de toile noire. Édition originale. Exemplaire non justifié, imprimé sur alfa. Le tirage...

Estimation : 30000 / 40000
Adjudication : 31 000 €
Description
numéroté est limité à 10 exemplaires sur vergé
d'Arches et 100 sur alfa.
Surprenant envoi autographe signé sur le faux titre :
A Monr Andre Gide
T res respectueux et
Sincere Hommage
Louis Celine
Gide a noté à la plume, au recto du premier feuillet blanc, les pages correspondant aux passages du
livre qui l'ont particulièrement marqué, et dont il a brièvement noté le sujet : 61 / 201-202 (bonté) /
274 (le bout de la nuit) / 295 / 359-60 = le cochon / 386-87 x tout ce chap. de 384 à 394 / 405 - quand tout
sera dit / 407 lâcheté / 548 description x.
Une des provenances les plus improbables pour ce chef-d'oeuvre de la littérature du XXe siècle.
En 1932, Céline croit encore à ses chances de décrocher le Goncourt et se démène pour la
promotion de son roman. Il envoie donc très logiquement un exemplaire au “contemporain
capital”. La suite est connue et l'écrivain, dont le roman a suscité une polémique inouïe, y verra
l'origine de tous ses maux : “Le triomphe du Voyage m'a été aussi pénible que les cyclones de Bagatelles”
écrira-t-il dans une lettre à Daragnès en 1948.
Dans une page de son Journal consacrée à la publication de Bagatelles pour un massacre, André Gide
revient sur son admiration pour le Voyage : “Vous vous souvenez du raffut que firent ses deux
premiers livres. La presse était éberluée et ne savait plus quel ton prendre. Certains articles
s'indignaient ; d'autres s'extasiaient. (...) Une entre-lecture cursive m'avait d'abord fait considérer
Mort à crédit comme fort inférieur au Voyage au bout de la nuit , que j'avais lu avec un épatement inégal,
mais par moments (vers la fin du livre surtout) considérable.”
La note élogieuse, rédigée vers 1939, est d'autant plus remarquable que, dans Bagatelles (publiées
à peine cinq ans après le Voyage), Gide était sévèrement malmené et ses préférences sexuelles
dénoncées de manière odieuse : “Monsieur Gide en était encore à se demander tout éperdu de
réticences, de sinueux scrupules, de fragilités syntaxiques, s'il fallait ou ne fallait pas enculer le petit
Bédouin, que déjà depuis belle lurette le Voyage avait fait des siennes” (Bagatelles, p. 82).
Il était déjà loin le temps du “Très respectueux et sincère hommage ” à celui que Céline qualifiera désormais
en privé de “cuistre tarabiscoté”…
Exemplaire parfait.
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