Lot n° 174

BRETON, André. Les Vases communicants. Paris, Éditions des Cahiers libres, 1932. In-8 : vélin ivoire à la Bradel, dos lisse et plats sont recouverts d'une feuille transparente portant une large bande peinte qui déploie, dans la continuité,...

Estimation : 20000 / 30000
Adjudication : 25 000 €
Description
toutes les nuances du spectre chromatique,
sertie de deux bandes peintes en noir avec, sur le plat supérieur, le nom de l'auteur et le titre
calligraphiés en noir, non rogné, tête dorée, couvertures et dos conservés (A.J. Gonon).
Édition originale.
Un des 25 premiers exemplaires sur papier du Japon (nº 11), hors commerce et nominatif :
“Exemplaire imprimé pour Monsieur René Crevel.”
La couverture est illustrée d'une composition de Max Ernst tirée en rose.
Elle déborde légèrement sur la page de titre qui, imprimée en noir, est illustrée d'un petit dessin
représentant un dauphin. Cette mise en page est propre aux exemplaires du tirage de tête : dans les
exemplaires du tirage courant, l'image et le titre sont reproduits sur la couverture.
Le “troisième manifeste”.
Marguerite Bonnet et Étienne-Alain Hubert soulignent l'importance du livre, “qui mérite
pleinement d'être considéré comme un troisième manifeste. Il marque pour Breton, après les
expériences douloureuses des années 1931-1932, un de ces ressaisissements dont il est coutumier
quand les crises individuelles et collectives menacent son intégrité intellectuelle et psychique ainsi
que l'existence même du groupe. Mais il va bien au-delà. Tentative pour penser la totalité de la vie
à la fois à partir de l'exploration du monde intérieur menée grâce à l'apport de Freud et à partir de
la présence du monde tel que permettent de l'appréhender - après et parfois avec Hegel - Marx,
Engels et Lénine, le livre s'achève par une méditation sur la place de l'intellectuel dans le combat
révolutionnaire - méditation qui va jusqu'à l'interrogation sur la place de l'homme dans le
perpétuel devenir” (André Breton, OEuvres complètes, II, 1992, p. 1369).
Magnifique envoi autographe signé à l'encre verte sur le faux titre :
A toi, mon cher René
dont les yeux et la voix
sont couleur de la
seule vie que j'aime
toujours davantage
André Breton
Dans la constellation surréaliste, René Crevel occupe une place à part. Né en 1900, marqué par le
suicide de son père et une santé défaillante qui l'obligea à de longs séjours dans des sanatoriums,
il est l'auteur de livres singuliers et de pamphlets rageurs. Le tournant révolutionnaire et
épistémologique du surréalisme défendu par Breton dans ces Vases communicants devait en séduire
plus d'un, singulièrement René Crevel qui en fut l'un de ses plus ardents propagateurs.
Dadaïste puis compagnon de route du groupe de Breton, René Crevel devait se suicider à son
tour, le 18 juin 1935. Il n'était pas parvenu à réconcilier Breton et les organisateurs du Congrès
international des écrivains – notamment Ilya Ehrenbourg, chef de la délégation soviétique, que
Breton avait giflé.
Dans un article particulièrement fielleux, Marcel Jouhandeau accusait Breton d'être responsable
du suicide de Crevel. “Rien ne ressemble plus à un crime qu'un suicide”, jugeait-il, après avoir
rapporté les propos de René Crevel : “Quand je ne croirai plus en rien, ni en moi, ni en personne,
je croirai encore en Breton.” Ce dernier devait répliquer par un article intitulé : Sur la mort de René
Crevel. La polémique, détestable, rend plus émouvante encore la dédicace d'André Breton.
Très bel exemplaire, revêtu d'une surprenante reliure contemporaine de Gonon.
Relieur des surréalistes, notamment d'Éluard qui lui confia nombre de livres de sa bibliothèque,
Aristide-Jules Gonon fut également éditeur et libraire. Il publia dès 1917 Le Devoir et l'Inquiétude
de Paul Éluard.
Exemplaire de la bibliothèque de Daniel Filipacchi (II, 2005, nº 59).
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