Lot n° 142

Pierre LOUÿS. L.A.S. « P. », [mars 1906, à son frère Georges Louis] ; 4 pages in-8 (petites traces de rouille).

Estimation : 400 / 500
Adjudication : 400 €
Description
Très belle lettre sur l’opéra Aphrodite de Camille Erlanger, sur un livret de Louis de Gramont, d’après le roman de Louÿs (Opéra-Comique 27 mars 1906). « L’Aphrodite d’Erlanger que j’ai entendue aujourd’hui presque en entier semble promettre un gros succès du public. La musique est d’un mouvement infernal et pleine de vie. Le poëme est habilement découpé, tout le temps en plein drame, sans lenteurs ni hors d’œuvre, avec des trouvailles de mise en scène »... Il décrit une astuce pour faire apprécier le Phare d’Alexandrie : on en montre d’abord la base, puis « le ciel s’obscurcit comme c’est son devoir, puisque du temps de Virgile les prodiges célestes suivaient les grandes calamités. Orage, obscurité, nuages, tonnerre, et quand la lumière revient, on ne voit plus en scène que le sommet du Phare vers lequel monte encore Chrysis, avec le gouffre autour, tout le panorama d’Alexandrie dans le fond et les cris de la foule invisible »... Il a des réserves sur le texte, cependant, et surtout le 3e acte « qui comprend une orgie chez Bacchis, festin, ivresses, danses, chants et crucifiement sur la scène. C’est d’une brutalité et d’une cruauté qui m’ont fait mal à entendre. Déjà dans le roman c’est assez barbare, mais [...] il n’y a plus que du vin et du sang ; l’acte ressemble à un de ces spectacles de Montmartre où l’on joue des scènes de torture. Cela ne nuira pas, me dit-on, au succès d’argent. Je voudrais que cela nuisît moins au succès d’estime. Si j’étais spectateur je sifflerais »... Il résume l’acte IV ; tous sont animés ; les spectateurs n’auront pas le temps de dormir. « Le ton du dialogue est assez vif. Les deux petites danseuses sont inséparables et demandent “du vin de Lesbos” pour que nul n’en ignore. Démétrios énumère les beautés de Chrysis sans lui laisser même un pagne. Un des acteurs prend Rhodis à bras le corps pour la faire boire [...]. J’ai dit à Louis de Gramont qui a fait le livret : “Mais ce spectacle d’Opéra-Comique, ce n’est pas du tout pour les jeunes filles ! – Il m’a répondu : Si, pour les jeunes filles d’aujourd’hui. Vous verrez qu’on les y mènera »... Mille lettres inédites à Georges Louis (2002), p. 516. Reproduit page 51
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