Lot n° 321

Lajos KOSSUTH (1802-1894) patriote et homme politique hongrois. L.S., Londres 24 septembre 1859, à William Gregory Langdon, à Glasgow ; 4 pages in-4 ; en anglais (trace de plis).

Estimation : 1000 / 1200
Adjudication : Invendu
Description
Importante lettre historique, témoignant de la terrible déconvenue de l’armistice de Villafranca, survenu alors que Kossuth, étant entré en négociations avec Napoléon III, avait formé une légion en Italie, en vue de soulever la Hongrie. [Langdon, un sympathisant de la cause de l’indépendance hongroise, était marchand et imprimeur de calicots à Glasgow.]La fatale journée de Villafranca a terrassé ses espoirs au moment même où la délivrance de sa patrie paraissait à portée de main, comme un fruit mûr, et le voici de nouveau comme un pauvre exilé vieilli de dix ans par l’amertume du désappointement. Il dit exprès, désappointement, et non déception, car il s’était bien gardé contre toute possibilité de déception, mais son cœur est presque brisé par ce désappointement inexplicable. Sans cet accord de Villafranca, coup de foudre tombé d’un ciel bleu, la Hongrie aurait déjà écrit une page dans les annales de l’Histoire. Car la nation tout entière était unie et prête comme jamais, toutes différences de religion, langue et classe ayant fondu dans la grande résolution commune de se débarrasser du règne des banditti de la Maison d’Autriche… Être arrêté ainsi au moment de cueillir le fruit mûr de la liberté est affligeant au-delà de toute expression. Il le supportera, pourtant, mais non sans chagrin ; il a la conscience tranquille d’avoir fait le devoir d’un honnête homme et d’un bon citoyen, et il est sûr qu’aucune tricherie diplomatique, ni aucun artifice conçu par l’habileté mensongère des despotes ne détournera jamais sa patrie dans sa détermination de réaffirmer son indépendance… Il a appris que cette résolution est aussi peu susceptible d’être brisée par le terrorisme, que d’être affaiblie par des concessions que les Habsbourg pourraient inventer au moment critique ; il a appris que la Hongrie sait endurer et attendre ; il sait que sa nation est aussi bien disciplinée qu’elle est déterminée… La nation et lui sont raffermis dans leur conviction qu’aucune grande question européenne ne sera résolue définitivement sans eux, ni l’Europe calmée, tant que les droits et les revendications légitimes de la Hongrie ne seront pas pris en compte. La liberté est devenue un credo national… Il tire quelque consolation de tout cela, et aussi d’avoir mis en garde ses compatriotes exilés, y compris en Amérique, contre tout mouvement précipité. On avait déjà organisé cinq bataillons, soit environ 4.000 hommes (trois semaines de plus, et on en eût eu 25 000 !), et afin d’assurer le retour sans risque de ces braves, il a insisté sur deux conditions : l’amnistie, et un congé définitif de tout service militaire autrichien. Il a réussi : la France a insisté, et l’Autriche s’est sentie obligée d’obtempérer. Reste à voir comment l’Autriche réalisera ces conditions. Souhaitant rester informé, Kossuth a ordonné au colonel Kaśz (qui commande leur 1re brigade et leur dépôt général à Aequi), de prendre des mesures en ce sens. Il prie de lui faire suivre les lettres que pourraient lui adresser ces soldats, qui n’ont rien de compromettant : ils ne sont, ni ne veulent être conspirateurs ; là où la nation est unie, les conspirations sont aussi inutiles, qu’elles sont imprudentes…
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