Lot n° 310
Sélection Bibliorare

NERVAL, Gérard de. Cinq poèmes autographes : − A Victor Hugo. Les Doctrinaires. − Prison. − La Sérénade (d’Uhland). − La Ballade de Merlin. − Chanson. Sans lieu, 1830-1854.

Estimation : 60 000 / 80 000 €
Adjudication : 70 630 €
Description
5 feuillets montés sur onglets dans un volume in-12 (circa 176 x 136 mm) dont 4 écrits recto et verso, soit 9 pages : chagrin noir à la Bradel, dos lisse, titre en long, étui (D.-H. Mercher).

Exceptionnelle réunion de cinq poèmes autographes de Gérard de Nerval, dont deux signés.

a – A Victor Hugo. Les Doctrinaires.
Le poème qui ouvre le recueil est une pièce politique : elle occupe quatre pages signées “Gérard” datées du 16 octobre 1830.
On en connaît deux versions autographes : celle-ci, répertoriée sous le nom de “ms. Marc Loliée” du nom de son précédent propriétaire, et une autre signée mais non datée, reproduite en fac-similé dans un catalogue de la librairie Blaizot en novembre 1971.

Le poème fut publié pour la première fois dans l’Almanach des Muses de 1831 selon le présent manuscrit, lequel a figuré à l’exposition du centenaire de Nerval à la Bibliothèque nationale (cat. 1955, n° 37).

“Le poème est évidemment dicté par la circonstance [la prise du pouvoir par les Doctrinaires, sous l’égide de Guizot] et l’on y perçoit l’enthousiasme de Nerval qui va jusqu’à renier momentanément Napoléon son héros, même s’il continue d’en admirer la grandeur. […] En véritable militant du nouveau mouvement romantique, en fidèle hugolâtre attendant du maître des marques de sûre adhésion aux idées républicaines, Nerval en vient presque à suggérer à son dédicataire la conduite à suivre. Hugo, jusqu’alors, avait surtout célébré les rois (dans ses Odes) et Napoléon (dans ses Orientales). Les partisans du romantisme, et notamment certains engagés
du Petit Cénacle, désiraient que le maître fît un éloge plus politique de cette liberté qu’il avait si hautement revendiquée pour les arts dans sa préface de Cromwell. […] L’ode A Victor Hugo de Nerval montre bien la liaison étroite qui existait entre les deux hommes. Leur évolution politique allait sur plus d’un point présenter des ressemblances. L’un et l’autre se rallieront plus ou moins au régime de Louis-Philippe ; ils marqueront ensuite leur sympathie pour la révolution de 1848. Enfin, ils vénéreront toujours la mémoire de l’Empereur” (Jean-Luc Steinmetz, in Nerval, OEuvres complètes, I, 1989, p. 1609-1610).

b & c – Prison, suivie de : La Sérénade (d’Uhland).

Les deux odelettes autographes figurent sur un même feuillet dont le verso est blanc.
Ce manuscrit, connu sous le nom de “Ms. Marsan”, non signé, porte en bas de page :
“Autographe de Gérard de Nerval. F. de G.” [Ferdinand de Gramont].
Il a figuré au catalogue de l’exposition Gérard de Nerval, BHVP, 1996, n° 95.

La première pièce, Prison – intitulée Cour de prison lors de sa première publication dans Le Cabinet de lecture du 4 décembre 1831 – fut reprise dans La Bohême galante et dans les Petits châteaux de Bohême sous le titre de : Politique. 1832, puis dans les Poésies complètes sous le titre de : Politique. 1831.
Le poème, évocation de Sainte-Pélagie, “fait allusion au séjour que fit Nerval dans ce lieu de détention où furent enfermés bien des opposants au régime, notamment des écrivains condamnés pour délit de presse.” Jean-Luc Steinmetz souligne la valeur lyrique du poème au rythme allègre mais mélancolique : “Presque à son insu, Nerval crée un nouveau domaine poétique. Il sort du romantisme, annonce la chanson grise verlainienne qui nous vaudra d’ailleurs d’admirables poèmes écrits par des poètes prisonniers” (in Nerval, OEuvres complètes I, p. 1629-1630).

La seconde pièce, une adaptation d’Uhland, a fait l’objet de plusieurs publications : dans Le Cabinet de lecture (29 décembre 1830, sous le titre de : La Malade), dans les Annales romantiques (1831, sous le même titre), dans l’Almanach des Muses (1832, toujours sous le même titre et comme première pièce du premier ensemble d’Odelettes), et enfin dans La Bohême galante et les Petits châteaux de Bohême, sous
le titre de : La Sérénade.

“Uhland (1787-1862), auteur de ballades et de chants patriotiques, était encore peu connu en France au moment où Nerval proposa au Cabinet de lecture cette poésie. Dans un premier temps, Gérard semble bien avoir voulu s’attribuer la découverte de ce poète à qui ni Mme de Staël, ni Heine dans son premier De l’Allemagne (1835) n’avaient fait place. Aucun poème d’Uhland n’apparaît dans le choix des Poésies allemandes que Nerval établit en 1830 pour la ‘Bibliothèque choisie’ de Laurentie. Il faudra attendre la traduction qu’il proposera du second Faust (en 1840) pour voir
figurer parmi les poésies allemandes accompagnant l’édition de ce texte, une pièce d’Uhland, L’Ombre de Körner. […] Assurément, le mot ‘imitation’ convient mieux que ‘traduction’ pour définir le travail qu’il accomplit à partir du texte primitif” (Jean-Luc Steinmetz).

d – La Ballade de Merlin.
Ce manuscrit, signé “Gérard de Nerval” et daté du 1er novembre 1854, occupe le recto du quatrième feuillet.
Le poème figurait sur une page d’un album amicorum, à gauche de la Chanson décrite ci-dessous.
“Le nouveau possesseur du manuscrit a scindé les deux poèmes qui ont été habillés
d’une reliure. Provenance notée par Marc Loliée : ‘De la Bibl. J.-E. Blanche.’ Les deux poèmes ont donc peut-être été transcrits sur l’album du Dr Emile Blanche, deux semaines après que Gérard ait quitté la clinique. Au verso, incomplet parce qu’il a été coupé, trois strophes, d’une main inconnue, dans un style patoisant, surmontées, au crayon, de cette mention :
Poème inédit de Nerval. En fait, la mention au crayon ne désigne pas ces strophes mais l’un des deux poèmes de Nerval : c’est la conséquence de l’arrachage de la page d’album et de son remontage précaire” (Claude Pichois, in : Nerval, OEuvres complètes, III, 1993, p. 1384).

e – Chanson.
Le manuscrit, signé “feu Buckingam” [sic], occupe le recto du cinquième et dernier feuillet.
Il est extrait du même album que le précédent avec lequel il formait un tout.
“Il y a deux versions de cette chanson, l’une propre à Nerval, l’autre à son ami Auguste de Châtillon, qui l’a incluse dans son recueil Chants et Poésie publié chez Dentu à la fin de 1854” (Claude Pichois).
Chanson contient la première strophe citée, avec une variante, dans la lettre délirante adressée par Gérard à George Sand le 22 novembre 1853.
(Gérard de Nerval, BHVP, 1996, n° 499. Il est précisé que ces deux dernières pièces proviennent de la collection Henri Matarasso).

ENSEMBLE EXCEPTIONNEL ET INFINIMENT PRÉCIEUX, comportant quelques-uns parmi les derniers témoignages écrits de Gérard de Nerval.
Partager