Lot n° 351
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Sélection Bibliorare

FLAUBERT, Gustave. Par les champs et les grèves (Voyage en Bretagne). Sans lieu [Croisset, 1847] - 3 janvier 1848.

Estimation : 400 000 / 600 000 €
Adjudication : 537 880 €
Description
Manuscrit autographe signé in-folio (328 x 222 mm) de (1) f. de titre et (140) ff. (soit 277 pages) montés sur onglets et numérotés par Flaubert 1 à 17, 32 à 49, 66 à 89, 103 à 128, 153 à 181, 201 à 226 : maroquin janséniste vert, dos à nerfs, coupes filetées or, doublures de maroquin havane serties d’un filet doré, gardes de soie vert foncé (René Aussourd).

Extraordinaire manuscrit autographe, non seulement pour sa valeur littéraire, mais par sa beauté même, avec ses pages lacérées de ratures et de corrections, dont l’abondance trahit l’acharnement de Flaubert à atteindre la perfection du style.

De mai à juillet 1847, Gustave Flaubert et Maxime Du Camp entreprirent un voyage pédestre en Touraine, Anjou, Bretagne et Normandie. A leur retour, ils décidèrent de consigner leurs souvenirs dans un ouvrage dont Flaubert était chargé des chapitres impairs et Du Camp des chapitres pairs. “C’est une oeuvre, quoique d’une fidélité fort exacte sous le rapport des descriptions, de pure fantaisie et de digressions”, confiait Flaubert à Louise Colet.
En août 1847, les deux voyageurs s’assirent à la même table et rédigèrent, en même temps, leurs parties respectives. “Écrivant dans la même pièce, ajoutait Flaubert dans sa lettre à Louise Colet, il ne peut se faire autrement que les deux plumes ne se trempent un peu l’une dans l’autre. L’originalité distincte y perd peut-être. Ce serait mauvais pour tout autre chose, mais ici l’ensemble y gagne en combinaisons et harmonie.”
La rédaction du récit achevée, les deux jeunes hommes firent établir deux copies de leurs manuscrits par un scribe professionnel. La copie de Flaubert échut par héritage à Mme Franklin-Grout ; Du Camp fit don de la sienne, en 1883, à la Bibliothèque de l’Institut. C’est d’après cette dernière que fut établie la première édition (posthume) de l’ouvrage.
Le présent manuscrit - renfermant les chapitres rédigés par le seul Flaubert - n’est pas la copie réalisée par le scribe, mais bien le manuscrit autographe, impitoyablement revu et corrigé.

Flaubert a repris ce manuscrit de premier jet, l’amendant et le corrigeant en maints
endroits : de nombreux passages sont restés inédits.

Il comporte en effet un grand nombre de corrections et d’interpolations, dont plusieurs ont été effectuées après la mise au net par le copiste. Le manuscrit est daté à la fin du “3 janvier 1848”, mais des passages, vigoureusement sabrés en tous sens et recommencés en marge, semblent être le résultat d’une révision plus tardive.

Le texte ne fut publié, de manière lacunaire, qu’en 1886, puis de façon plus complète par Conard en 1910 pour les OEuvres complètes. De nombreux passages sont cependant restés inédits. Pierre Berès et Thierry Bodin en dressèrent une liste partielle, relevant “une diatribe contre les restaurations abusives au château de Blois, une remarque sur les jouets d’artillerie offerts au duc de Bordeaux et vus à Chambord, une sortie contre les statuettes qu’on trouve chez les coiffeurs et contre les peintures chez les femmes entretenues, une phrase sur les femmes grasses, une sieste digestive sur la plage de Quiberon, une description du flux de la marée à Belle-Isle, une violente réaction de dégoût lors de la fête de Quimper, des réflexions suscitées par le culte de la Vierge à Pont-l’Abbé : L’ascétisme est l’épicurisme de l’âme, une rêverie en fumant son cigare sur le sopha de ces dames, etc.”

Premier ouvrage que Flaubert destinait à la publication, le manuscrit autographe témoigne des efforts d’écriture et de l’acharnement de l’écrivain : “La difficulté de ce livre consistait dans les transitions et à faire un tout d’une foule de choses disparates. Il m’a donné beaucoup de mal.
C’est la première chose que j’aie écrite péniblement”, confia-t-il à Louise Colet.

Les deux jeunes écrivains renoncèrent cependant très vite à publier Par les champs et par les grèves :
“Nous avons reculé devant la nécessité des remaniements”, confie Du Camp dans ses Souvenirs littéraires (1882, t. I, p. 362). De cette oeuvre, on a pu dire qu’elle était “la veillée d’armes du grand romancier”.

Le manuscrit a été exposé à la Bibliothèque nationale en 1980.
Dos de la reliure uniformément passé.

Provenance : Lucien-Graux (cat. IV, 1957, nº 20) : c’est lors de cette vente mémorable que le manuscrit fut redécouvert, plus d’un siècle après sa rédaction.- Pierre Berès (De Flaubert à Proust, 1999, nº 40 : “Le manuscrit autographe de Flaubert s’avère le seul texte véritablement authentique de l’écrivain et n’a jamais été jusqu’à présent sérieusement étudié.”)

Bibliothèque nationale, Gustave Flaubert, exposition du centenaire, 1980, nº 102.
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