Description
en 1777". 93 pp. in-f°, en français, graphie lisible, ratures et corrections (attestant qu'il s'agit bien du manuscrit original), texte sur la droite des ff., jours ou ajouts sur la partie gauche, 2 croquis légèrement exécutés à la mine de plomb aux pp. 29 et 67, sur le titre : cote de classement "Litt[érature] M[anuscrit] A[rmoire] 3" (rares piqûres, déchirures restaurées au 1er f., qqs notes au crayon d'une main récente aux derniers ff., numérotation postérieure).
Rel. de récupération du 18e s. : plein vélin vert, plats cernés de filets dorés avec fleurons d'angle au lys royal doré, dos lisse fleurdelisé doré, cordons de fermeture en tissu vert (mors et dos part. craquelés, fente dans le cuir du plat sup., gardes renouvelées, une 50aine de ff. de papier blanc in fine servant à adapter le corps d'ouvrage à la reliure).
MANUSCRIT INÉDIT de cette relation très détaillée, d'un style plaisant et alerte, par Cobenzl accompagnant le premier voyage en France, du 18 avril au 30 mai 1777, du Comte de Falkenstein, pseudonyme adopté par Joseph II pour jouir d'une plus grande liberté de mouvement lors de visites non officielles.
Alors corégent avec sa mère Marie-Thérèse, Joseph II était chargé des affaires extérieures de l'Empire. Son voyage en France avait des motifs à la fois politiques et privés : consolider l'alliance nouée par le mariage de Louis XVI avec sa soeur cadette Marie-Antoinette (et la "sermonner" pour sa réputation de frivolité), obtenir le soutien de son beau-frère pour intervenir en Bavière et conseiller le couple, leur mariage n'étant toujours pas consommé sept ans après les noces.
L'intercession de l'empereur porta ses fruits puisque le 18 août 1777, le roi de France put enfin remplir son devoir conjugal.
Outre Versailles et Paris, Joseph II visita la Normandie, la Bretagne, la Touraine, l'Aquitaine, la Provence et le Lyonnais, étudiant en particulier les vaisseaux et les installations portuaires de la marine royale à Brest, Nantes, La Rochelle, Toulon. Il retourna par Genève, Berne et Bâle.
Formé à Vienne et Salzbourg, le comte Jean-Philippe de Cobenzl avait été envoyé en 1760 à Bruxelles chez son oncle Jean-Charles-Philippe de Cobenzl, ministre plénipotentiaire dans les Pays-Bas autrichiens. Il travailla dans divers conseils et continuera une belle carrière diplomatique. Il est en 1777 vice-président de la députation ministérielle de la Banque de Commerce mais, selon une note de Jadot, il est également grand maître de la garde-robe de Joseph II.
Contenu. Sous le titre, l'auteur souligne : "N.B. ce ne sont que des annotations que je fesois à la hâte tous les soirs avant de me mettre au lit pour garder le souvenir de ce qui s'étoit passé dans la journée, m'étant proposé de rédiger après mon retour à Vienne une Relation circonstanciée de ce Voyage".
Si son témoignage est de première main, il ne dévoile pas pour autant le détail des entretiens privés de l'empereur (p. 46 : "en voiture S[a] M[ajesté] me dit les propos tenus entre lui, le Roi et la Reine concernant la consommation du mariage du Roi") mais relate avec précision ses conversations avec Joseph II, les lieux visités (intéressantes descriptions du palais de Versailles, du jardin anglais du Duc de Chartres, du pavillon de Madame du Barry et de la machine de Marly, du palais Gallien à Bordeaux), les repas et divertissements, etc.
Il décrit les bâtiments remarquables, tant civils que religieux, les fortifications, les industries et les commerces, tout en donnant des commentaires brefs mais incisifs sur les personnes rencontrées, en particulier à la cour de Louis XVI : "[l'empereur] trouva la Reine fort belle, de l'esprit, le ton bien français, beaucoup de goût pour les plaisirs et un peu de légèreté"; quant au roi, Joseph II lui trouva "un extérieur peu avantageux"; "le Comte d'Artois d'une jolie figure et l'air bien étourdi"; "M.r de Meaurepas [i.e. le Comte de Maurepas, ministre d'État] vieux goguenard"; "la Duchesse de Grammont [i.e. Gramont] d'un abord froid et hautain"; visite du château de Bicêtre "pour voir les prisonniers qui y sont en grande quantité" et de la Salpêtrière "où il y a 1°. des enfants trouvés, 2°. près de 13 cent folles, 3°. quelques centaines de filles et femmes de mauvaise vie, 4°. des bonnes pauvres"; démonstration de langue des signes chez l'abbé de l'Épée, pionnier de l'éducation des sourds et muets; expériences d'électricité chez "Camus"; visite de l'Académie française où l'empereur écoute des conférences par d'Alembert, de La Harpe et Marmontel; entretien avec l'explorateur et aventurier hongrois Maurice Beniowski; visite du port de Brest et rencontre du comte Louis-Antoine de Bougainville; démonstration de torpilles à Nantes; visite à Toulouse du canal de Brienne, de la bibliothèque du comte Justin Mac-Carthy Reagh, bibliophile d'origine irlandaise, et de la congrégation des filles du Bon Pasteur qui n'accueille que "les filles qui veulent expier la faute d'être devenue mère hors du mariage"; coup de foudre pour la cité phocéenne :
"Marseille est après Paris la plus belle ville que nous ayons rencontrée en France [...]. Le port est très sûr quoique peu large [...]. La ville est fort peuplée, les habitants sont fort vifs et le cours où on se promène le soir est si rempli de beau monde qu'il y a plus de foule que dans les promenades les plus fréquentées à Paris".
Souvent cité par Cobenzl, le comte Louis-Charles-Marie de Barbiano et Belgiojoso, futur ministre plénipotentiaire de Joseph II dans les Pays-Bas, faisait également partie du voyage.
ENRICHI de :
▬ 5 lettres ou billets du colonel de Tissot (rencontré à Genève lors du voyage de 1777; # p. 90 du ms.) au Comte de Cobenzl ou de Cobenzl à Tissot, février-mars 1796, à propos de demandes de faveurs pour Tissot ou son fils auxquelles Cobenzl ne pourra donner suite.
▬ 3 portraits gravés (2 volants) : Joseph II. Par M.-Louise-Adélaïde Boizot d'après L.S. Boizot; Joseph II. Par Huot d'après Jos. Hickel; Marie-Antoinette (aquarellé).
# Arneth, A. von.- "Graf Philipp Cobenzl und seine Memoire", dans Archiv für österreichische Geschichte, LXVII, 1886, pp. 1-181 (surtout pp. 89-94) : "Cobenzl évoque le présent journal "qui se trouve encore dans mes papiers" mais von Arneth ignore ce qu'il est devenu";
# Bruneel, C.- Les grands commis du gouvernement des Pays-Bas autrichiens. Bruxs, 2001, pp. 170-171 (biogr. de Cobenzl).
Exposition : Reflets de la bibliophilie en Belgique. [Cat. expo]. Brux., KBR, nov.-déc. 1969, n° 39.
JOINT :
•[DU COUDRAY (chevalier A.-J.)]. Anecdotes intéressantes et historiques de l'illustre voyageur [Joseph II], pendant son séjour à Paris. P. et se trouve à Louvain, J.P.G. Michel, 1777, in-8°, 72 pp., plein bradel de papier marbré par Camille Lejeune. Édit. orig.;
# de le Court 169 (manque restauré au bas du titre, sans perte de texte).
Provenance : Jean Jadot (ex-libris dans les 2 ouvr.).