Lot n° 272

[ LIGNE, Charles-Joseph de (Bruxelles 1735-1814 Vienne)]. 5 lettres autographes non signées au comte Alexandre de Tilly. Vienne (sauf la dernière : Töplitz), entre 1801 et 1806.

Estimation : 1000 / 1200
Adjudication : 2 800 €
Description
Numérotées de 1 à 5 d'une main ancienne, cachets de cire rouge aux armes du prince de Ligne (1 cachet brisé lors de l'ouverture de la lettre n° 1, les autres lég. fendillés mais complets). Avec transcriptions mss, où sont soulignés les passages imprimés dans le t. III de l'éd. de 1828.

JOINT :
•CARDON, A.- Prince de Ligne.
Portrait d'après C. Le Clercq, collé sur pap. blanc, sans marges. Sous emboîtage moderne à imitation de livre in-f° (30,5 x 26,5 x 2,5 cm) : plein chagrin brun, double cadre et fleurons d'angles "à la du Seuil", dos fleuronné doré à nerfs et étiq. de cuir ocre titrée "Lettres du Prince de Ligne au Comte de Tilly", filets et fines roul. dorées sur les coupes et remplis, doublures de papier Canson gris, lacets de fermeture en toile écrue (ombres blanches sur les plats et les mors).

Sous étui bordé.

Correspondance ayant servi de source aux "Mémoires" du comte Alexandre de Tilly (Le Mans 1761-1816 Brux.).
Homme de cour et de lettres français, page de la reine dès l'âge de 15 ans, il quitta la France sous la Révolution pour l'Angleterre et les États-Unis où il épousa une Américaine. De retour en Europe en 1799, il séjourna à nouveau en Angleterre puis en Allemagne où le roi de Prusse le nomma chambellan en 1801. Il revint en France, sans s'y fixer, à la fin du règne de Napoléon Ier et s'établit en 1815 à Bruxelles, où il se donna la mort l'année suivante.
Cet authentique libertin, qui a peut-être servi de modèle au Valmont des "Liaisons dangereuses", a laissé des "Mémoires pour servir à l'histoire des moeurs de la fin du XVIIIe siècle", qui font la part belle aux anecdotes galantes mais constituent néanmoins un témoignage essentiel sur la vie en France à la fin de l'Ancien Régime et dans les années post-révolutionnaires.
Il les dédia au prince Charles-Joseph de Ligne, qu'il admirait et qui s'était lié d'amitié avec lui et avait lu une partie de ses Mémoires en 1805. Notre correspondance concerne cette lecture (à l'époque Tilly résidait à Berlin) qui contient des souvenirs de la cour de Louis XVI, dont des passages entiers sont cités dans les "Mémoires", publiés en 1825 en traduction allemande d'après les manuscrits, puis en 1828 en français.
▬(1).
15-4 [après 1801], 1 p. in-8° : le prince lui propose d'apporter ses manuscrits à Töplitz ("Je suis assez sensé pour en être le censeur, sans être un Caton [...]") et commente une lettre publiée par Tilly dans le "Journal de Francfort" ("elle m'a fait le plus grand plaisir. Elle est écrite comme vous écrivés, c'est tout dire : mais j'ai assez bonne opinion de mes contemporains, pour croire qu'ils ne seront pas assez bêtes pour vous en vouloir." À propos du "D[uc] de G.", il évoque "les plaisanteries que j'ai faites souvent avec la R[eine] sur son compte et auxquelles avaient donné lieu Me de Montesson, la petite Choiseul et Amélie de Boufflers par l'expérience de ses amours pour elles [...]",
▬(2).- 30-[9]-1805, 2 pp. in-8°, à
"Mon cher camarade en Imprimerie et en Gueuserie et point en mérite d'ouvrage !" : le prince joue implicitement le rôle d'informateur pour la composition des "Mémoires" et communique diverses anecdotes concernant e.a. les ducs de Choiseul et d'Aiguillon, de Maupeou, le comte d'Artois, Madame du Barry, la Duchesse de Polignac, l'Abbé de Vermont, le Ministre des Finances Jacques Necker, etc. Et il ajoute :
"Voicy ce qui me vient dans la tete pour vos intérèts. Ceux de votre gloire sont entre vos mains : mettés ceux de votre fortune entre celle de Walther, qu'il vous imprime à ses frais ]...]".
▬(3).- 13-12-1805, 3 pp. in-8° : "Votre recueil que j'ai lu avec tant de plaisir, est fait pour tous les tems, = tous les pays, et n'a pas besoin d'indulgence." Nombreux commentaires sur divers passages des "Mémoires",
▬(4).- 5-3-[1806], 1 p. in-8° : "A merveille, mon cher Comte, Conflans et Voyer peints à merveille. Comme toute la bonne compagnie a presque péri et comme quantité d'Emigrés n'ont jamais vu la Cour, il n'y aura bientot plus que vous et moi qui en puissions parler [...] Voulés-vous mettre dans vos memoires la prophétie de M. de Lille? Je vous l'enverrai si vous ne l'avés pas [...] Si je [vais] à Berlin [...], je serai votre servante de Moliere. Depuis les memoires sur la Cour de Louis 14, et un peu sous celle du Régent, il n'y a eu que des porteurs de chaises de Versailles, qui ayent écrit. Il est tems que le reste des beaux tems de la France soyent en bonnes mains",
▬(5).- Töplitz, 6-7-1806, 6 pp. sur 2 ff. in-12°, enveloppe cachetée : le prince livre des anecdotes e.a. sur le duc de Choiseul, dont il retrace la généalogie, et sur une parente :
"Ma cousine germaine Soubise était horrible et avait son Ecuyer. Un jour que tous les Rohan prièrent mon pere de lui en faire des representations, au moment qu'elle lui jurait que cela n'etait pas vrai, ce M.r entra en pantoufles chés elle, croyant qu'il n'y avait personne [...] A vos ordres, cher Comte, pour tout ce que vous voudrés. Je serai trop heureux d'etre interrogé [...] J'en reviens à votre ouvrage. Comme tous ceux qu'on fait sur toutes les cours sont des libelles pour etre piquans, vous le serés par votre style, et en repoussant les calomnies sur notre malheureuse Reine."

# Malet, Tina.- Une vie de Tilly ou La mort du Lys. Saint-Denis, Edilivre, 2013, en particulier p. 6.
Provenance : Jean Jadot (sans mention ni cachet).
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