Lot n° 103

Paul ÉLUARD. 1895-1952. Écrivain poète. Manuscrit aut. « Picasso, bon maître de la liberté. » S.d. (circa 1948).

Estimation : 50000 / 60000
Description
14 pages in-4,
à l’encre ou au crayon, montées sur onglets, en un vol. in-4, plein vélin bradel, titré doré au dos (Reliure Semet & Plumelle).

Magnifique éloge rendu par Eluard a son ami Picasso.
Manuscrit de travail, avec ratures, corrections et passages biffés, précédé par la copie d’un fragment du poème en prose de Baudelaire, Le Thyrse, et conclu par une table des matières d’un projet d’ouvrage consacré à Picasso, alternant poèmes d’Eluard et œuvres du peintre. Ce texte, plus long dans sa version définitive, accompagna finalement l’album de photographies de Michel Sima, publié par René Drouin en 1948 : « Picasso à Antibes ».

Picasso ici je te nomme, et je te vois. Je connais ton visage depuis longtemps, je le vois vite et le vois lentement.
Un visage de ma famille, une grande famille composée d’amis très sûrs, amis de jour, amis de nuit, tous assez beaux, très différents. […]
Tu refuses d’entrer dans le refuge idiot. Tu vas, suivant toujours le contour épuisant des formes vagabondes, la corde des naissances précipitées, des raisons imprévues, la couronne de la mer humaine, couronne du corps, du cœur et du cerveau. Le corps humain s’impose à toi par son foyer et par ses ailes. Tu refuses d’entrer dans le jeu de ceux qui sont vaincus d’avance. […] Ton œuvre est la cruche pleine d'eau qu'une jeune fille porte sur sa tête. Elle est durement prise à son centre de gravité. Elle retient et développe ses mouvements, son immobilité, allonge son cou, affine ses chevilles, attache ses seins plus haut. Au plus clair de ton œuvre s'exalte la tempête et le frisson des blés. Ton désir de connaître efface toute répétition. Tu avances dans ce monde monotone comme un enfant qui grandit, qui perd chaque jour son cœur d’hier et qui, chaque jour, est nu pour la première fois. […]
Ô mon semblable, ô mon contraire, à l’infini le monde se divise, mais aussi se rassemble. Sommes-nous des amis modèles ? Oui, si tous les hommes doivent devenir amis. Il y aura, demain, sur la place bien entretenue de notre cœur, une foule unie, intelligente, heureuse, – victorieuse (…). Dès leur rencontre en 1935, Picasso et Eluard partagèrent un même goût pour la poésie, une vision de la création artistique et style de vie proches. Entre conférences publiques et discussions intimes, les tableaux de l’un et poèmes de l’autre s’inspirèrent de cette amitié sans faille poursuivie jusqu’à la mort du poète en 1952.

Œuvres complètes, Pléiade, II, p. 164.
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