Lot n° 173

[PHILHELLENISME] - Théophile FEBURIER. Mémoire sur l’indépendance de la Grèce, c.1829. Manuscrit autographe, signé « Théophile Féburier », in-folio de 12 pages et demie et un feuillet blanc écrit à l’encre noire sur papier vergé...

Estimation : 1 500 - 1 800 €
Description
filigrané.


« Au mois de janvier 1829, le Péloponnèse, libre de la présence des arabes,
commençait à se laver de leur souillure, et les stigmates de leurs fers s’effaçaient
peu à peu. Les habitans décimés rentraient au sein des ruines de leurs villes, et leurs mains relevaient ce que la fureur brutale d’Ibrahim avait renversé. L’espérance consolait le coeur des pauvres ; le désespoir troublait l’âme de la plupart des chefs. Les premiers entouraient le président de bénédictions les autres l’environnaient de haines et d’intrigues […] La famille des Pétrobey-Mavromichale est à la tête de la faction opposée au président […]Dépossédée par le président du pouvoir souverain dont elle jouissait dans le Maïna depuis deux siècles, elle a juré de se le ressaisir […]
Le comte Capo d’Istria à son arrivée en Grèce comprend de suite sa position et la nature des dispositions de tous les chefs qui l’entourent ; il désarme le peuple et ses chefs avec lui, car il se fait remettre les places fortes qu’ils s’étaient partagées et bientôt il détruit les ambitions vaniteuses dont ils s’étaient nourris […]Quelle révolution ! […]Au moment où je trace ces lignes, le sort du gouvernement grec se décide. Il lutte contre les intrigues nationales et étrangères ; un chef connu travaille depuis trois mois à se faire livrer par l’assemblée un pouvoir que lui a refusé le président au mois de janvier dernier […]
S’il arrivait que le président se retirât il ne le fera, j’en suis certain, que lorsqu’il sera hors d’état de régir la Grèce, dont les meneurs parviendront à priver le gouvernement de toute indépendance, lorsqu’ils le verront privé de toute ressource, de tous secours pécuniers étrangers, et lorsque lui même sera convaincu qu’il faut renoncer à l’espérance d’un subside assuré, en d’autres termes que l’on ne veut pas franchement l’existence d’une Grèce […]
A mon sens, l’intérêt bien manifeste de la France, je le répète parce que je le crois profondément, est le maintien au pouvoir du Comte Capo d’Istria.
Notre intérêt est de le soutenir en même temps que nous devons travailler à la formation d’une Grèce. C’est le seul moyen d’être un jour payés de nos sacrifices, de dédommager notre commerce de ses pertes, et de lui préparer des chances de profit dans un avenir prochain. Il faut le dire aussi ; jusqu’à ce jour on a dépensé de grosses sommes et l’on a fait peu de choses. La délivrance de la Morée n’est qu’une oeuvre sans résultats si la Grèce antique ne sort pas de ses ruines. […]
La présence de nos troupes a suffi pour nettoyer la Morée de ses oppresseurs ; mais en proclamant la Grèce délivrée, on se trompe.
On n’a pas délivré la Grèce ; le mot de Grèce est ici fort improprement appliqué à un coin de terre. Supposons que ses limites s’arrêtent à l’isthme, que le sultan s’obstine à ne pas vouloir faire une concession plus grande, et qu’on lui cède enfin. Il ne suffira pas d’avoir pris une détermination décidé que les limites au nouvel état s’arrêteront à telle montagne, il faut encore que cette population qui, seule, sans secours, a trouvé le moyen de faire pendant huit ans ce que nulle autre n’a fait à aucune époque, y souscrive […]
De tout ce que j’ai exposé plus haut je crois pouvoir conclure que si la politique européenne permet qu’un état grec se constitue sur des bases suffisamment larges et fortes, l’Europe jouira bientôt d’un spectacle qui ne se renouvelle qu’à des âges éloignés. On verra le peuple grec, imitateur par instinct, se précipiter au devant de toute instruction et de tout progrès et marcher d’un pas ferme et rapide dans la carrière de la civilisation que l’on aura ouvert devant lui. Ce peuple si calomnié aime le travail, parce que il aime le gain ; mais le motif n’importe point. Déjà les champs de la Morée sont de nouveau couverts de sillons ; pour la première fois depuis quatre ans les plaines d’Argos et de Calamata vont reproduire ces fruits qui mouraient avant d’être nés sous la domination d’Ibrahim et bientôt tout pourra prendre dans les vallons de l’Etolie et de la Phocide une attitude pacifique et tranquille. Mais il faut créer une Grèce qui n’existe pas pour arriver à ce résultat si désirable ; il la faut créer d’une étendue proportionnée à la position qu’elle doit prendre nécessairement dans le monde européen. Si l’on veut qu’elle existe, il faut que son gouvernement ne soit pas gêné par des entraves financières toujours renaissantes ; c’est à dire il faut qu’on lui donne avec l’indépendance les garanties d’une existence prolongée et la vigueur dont il a besoin […]
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