Lot n° 75

STATUTES AT LARGE (The) passed in the parliaments held in Ireland... continued to... 1767, inclusive. Dublin, Boulter Grierson, 1769. In-folio (360 x 220 mm), maroquin rouge, grand décor doré et peint sur les plats, dos à 6 nerfs orné, tranches...

Estimation : 5 000 / 6 000 €
Adjudication : 22000 €
Description
dorées (Reliure de l’époque).


Les Statutes at large regroupent tous les actes du Parlement d’Irlande, des taxes sur la bière au profit du roi d’Angleterre à la réparation des routes, de la prévention de la corruption dans les élections parlementaires à la protection du gibier, de la création de manufactures aux récompenses promises aux dénonciateurs de complots…

Une première série de 8 volumes, de l’origine à 1761 parut en 1765 ; puis, tous les quatre à cinq ans, un nouveau volume regroupant plusieurs années était publié. Celui-ci, imprimé en 1769, est relatif aux années 1763 à 1767. Le suivant (1769-1776) ne paraîtra qu’en 1782.

►SUPERBE RELIURE IRLANDAISE IN-FOLIO, EXÉCUTÉE POUR GEORGE TOWNSHEND, LORD LIEUTENANT D’IRLANDE DE 1767 à 1772.

4e vicomte Townshend, George (1724-1807) eut une carrière militaire, combattant notamment en Nouvelle-France, où il reçut la reddition de Québec (1759) et fut fait général, puis maréchal. Il eut en parallèle une intense activité parlementaire, souvent allié à Pitt, n’hésitant pas à défendre ses positions par des libelles ou des caricatures – auxquelles il excellait, dit Walpole – qu’il répandait dans toutes les tavernes de Pall Mall.

Mirjam Foot (The Henry Davis Gift, II, n°259) a décrit le volume VIII du même ouvrage, dans une reliure identique et avec la même provenance.

Ex-libris héraldique (XIXe siècle) du Marquis Townshend, descendant de George. Acquis en 1934 (Vénot).
Haut (5 cm) et bas (7 cm) de la charnière fendus. Très bel exemplaire néanmoins.

JOHANN MENTELIN
La Bible de 1460 et deux autres incunables imprimés à Strasbourg par Mentelin (nos 76, 77, 78).

Johann Mentelin, né vers 1410 à Sélestat (Alsace, Schlettstadt en allemand), est LE PREMIER IMPRIMEUR ACTIF EN DEHORS DE MAYENCE ET LE PREMIER IMPRIMEUR DE STRASBOURG. Il est aussi, dix ans avant Paris, LE PREMIER IMPRIMEUR DE L’ACTUEL TERRITOIRE FRANÇAIS (l’Alsace a été rattachée à la France sous Louis XIV, entre 1646 et 1697). Karl Schorbach lui a consacré en 1932 une monographie à laquelle bien peu d’éléments biographiques nouveaux ont été ajoutés.
Les archives sont silencieuses sur la formation de Mentelin (la célèbre École humaniste latine de Sélestat à laquelle Beatus Rhenanus légue sa bibliothèque n’a été fondée qu’en 1441) et sur la date précise de son arrivée à Strasbourg. Il y acquit le droit de bourgeoisie le 18 avril 1447, inscrit à la corporation des peintres et exerçant la double profession de scribe et d’enlumineur.
Il existe un seul témoignage de sa première activité, découvert en 1977, une copie de la Vita Jesu Christi de Ludolphe le Chartreux datée de 1444 dont il a signé le colophon (British Library, Add MS 10934-10935).
Mentelin devint également notaire épiscopal – ce qui implique qu’il connaissait le futur second imprimeur de Strasbourg, Henri Eggestein, qui était à la même époque garde des sceaux de l’évêque.

La Bible latine à 49 lignes est le premier livre imprimé par Johann Mentelin.
Elle n’est pas datée, mais son impression était achevée en 1460 (voir infra lot 76) ce qui implique que Mentelin s’était tourné vers l’imprimerie au moins vers 1458 - date supposée en tenant compte du temps nécessaire à la réalisation des matrices, la fonte des caractères, la fabrication des presses etc.
Pendant une dizaine d’années, Mentelin cumule les activités de notaire et d’imprimeur, ce qui permet de penser que l’évêque Robert (Ruprecht) von Pfalz-Simmern, au service duquel était également Eggestein, aurait présidé à l’installation de l’imprimerie à Strasbourg. Comme le feront les évêques de Bamberg avec Pfister, d’Augsbourg et d’Ulm avec les frères Zainer (ces deux derniers, mariés en 1463 et 1465 à des strasbourgeoises, étant d’anciens employés de Mentelin).
C’est en tant que notaire épiscopal qu’il vend à Jean Kuon, curé de l’église Saint-André à Strasbourg, un exemplaire de sa Bible en latin pour 12 florins rhénans le 14 octobre 1461, moyennant un paiement différé en 3 fois (Arch. Mun. Strasbourg, Chambre des contrats, 3 f° 31). Et dans les comptes du « Helblingzollbuch » (registre des taxes sur le vin) de la ville, il est qualifié d’enlumineur, de notaire épiscopal et d’imprimeur.
Il s’écoula trois ans - si on excepte une lettre d’indulgence de 1461 récemment découverte - avant la publication du volume suivant, la Summa theologiae de saint Thomas d’Aquin (l’exemplaire de la Bibliothèque humaniste, acquis par Jean Fabri de Sélestat, porte la mention « Anno Domini 1463 emi praesentem librum a Johanne Menteli notario et scriba, cive Argentinensi »). Et encore trois ans avant le premier livre portant le nom de Mentelin (dans la préface, pas au colophon), le De arte praedicandi de saint Augustin, publié pas après 1466 - année où il achève l’impression de sa Bible en allemand. Remplacé en décembre 1468 dans son office de notaire épiscopal, Mentelin se consacre exclusivement semble-t-il à l’imprimerie pendant les dix dernières années de sa vie, imprimant plusieurs livres tous les ans jusqu’en 1477.
Son officine était établie rue de l’Épine, où il résidait en 1466. Sa première épouse, morte en 1460, lui donna deux filles qui épousèrent deux imprimeurs strasbourgeois de la seconde génération, qui exercèrent à partir de c. 1472, Adolphe Rusch (l’imprimeur à l’R bizarre, avec qui Mentelin aurait collaboré et qui lui succéda) et Martin Schott. Il obtint le 27 octobre 1466 de l’Empereur des lettres d’anoblissement.
Ses armes et celles de sa seconde femme figuraient sur le monument funéraire, aujourd’hui disparu, qu’il fit élever en 1473 pour sa famille.
Il mourut le 12 décembre 1478 à Strasbourg, riche et prospère à la différence de Gutenberg (« multa volumina castigate ac polite Argentinae imprimendo factus est brevi opulentissimus », Wimpheling, Epitome rerum Germanicarum, 1505).
La question de l’apprentissage typographique de Mentelin et de ses relations avec Gutenberg n’est pas résolue.

Si Mayence et Strasbourg se sont longtemps disputé l’honneur d’avoir inventé l’imprimerie, et s’il est certain que Gutenberg, expulsé de Mayence, séjourna à Strasbourg au moins de 1434 à 1444, il semble acquis que le procédé technique secret auquel il travaillait à Strasbourg concernait la fabrication de miroirs pour les pèlerins et non l’imprimerie. Mais les deux hommes ont pu se connaître. Il est vraisemblable que Mentelin a acquis ses connaissances soit directement de Gutenberg (mais il ne semble pas s’être absenté de Strasbourg, sauf peut-être en avril 1450), soit par un intermédiaire. En tout cas c’est un exemplaire de la Bible à 42 lignes de Gutenberg qui a servi d’exemplar pour son premier livre, la Bible à 49 lignes de 1460.

On recense aujourd’hui 41 éditions publiées par Mentelin de 1460 à 1477, pour la plupart non datées : 10 placards ou ephemera (indulgences, almanachs, publicités pour ses éditions – dont le plus ancien « Bücheranzeige » connu) et 31 livres.
Pionnier en matière typographique, Mentelin l’est également dans le choix des œuvres qu’il édite avec attention et scrupule scientifique : une trentaine d’ouvrages seulement en 17 ans, mais un choix remarquable par la précocité et l’exigence, autant que par le sens commercial aigu qu’il dénote.
Il commença par cibler le marché ecclésiastique d’Alsace et d’Allemagne du Sud avec sa Bible de 1460, la seconde après celle de Gutenberg, et en 1466 la première Bible imprimée en allemand.
De ses presses sont sorties seize éditions princeps, dont le De Arte praedicandi, les Confessions et les Epistolae de Saint Augustin (voir son édition du De Civitate Dei lot 77), la Summa theologica (Pars 2a) de Thomas d’Aquin, les deux Speculum historiale et morale de Vincent de Beauvais et les éditions originales des deux premiers livres imprimés « adversus Judaeos », dûs à deux écrivains espagnols, le Scrutinium scripturarum de Paulus de Sancta Maria (lot 78) et le Fortalitium Fidei d’Alphonsus de Spina; mais également des princeps d’auteurs classiques de l’Antiquité (l’Éthique à Nicomaque d’Aristote et Valère-Maxime. Mentelin est également le seul imprimeur allemand à publier la littérature chevaleresque allemande, avec l’édition princeps du Parzival de Wolfram von Eschenbach et du Titurel d’Albrecht von Scharfenberg.
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