Lot n° 22

Pierre BOULEZ.

Estimation : 1500 / 2000
Adjudication : Invendu
Description
Deux manuscrits autographes signés, Cauchemars aseptisés ?, [1949-1952] ; 5 pages et demie in-4 et 7 pages et quart in-4. Deux versions d’un texte polémique, longue lettre ouverte en réaction à l’article Lettres d’un Solitaire sur le sujet du concert par Luc-André Marcel dans la revue Polyphonie (5e cahier, Le Concert, 1949), fustigeant entre autres des écrits et œuvres musicales de Pierre Boulez. Les manuscrits sont rédigés d’une petite écriture à l’encre bleu nuit, et présentent deux versions successives du texte, la première abondamment raturée et corrigée, la seconde avec de nouvelles corrections. La seconde version a été publiée dans la Revue musicale en 1952 sous le titre Éventuellement…, et recueillie dans Relevés d’apprenti (Seuil, 1966). « Le don quichottisme est, si l’on veut, une forme de rédemption ; encore ne faudrait-il pas constamment voir terribles ennemis où ne se trouvent que paisibles moulins à vent. Je viens de lire certaines lettres qui sont bien, en effet, d’un solitaire, et d’un solitaire déprimé. Je ne suis pas le moins du monde psychanalyste ; mais je me plais à relever dans ce texte la fréquence du mot “mort” – et de tous ses dérivés ; ainsi, du reste, vous excuserez l’humour involontaire – que celui de “dodécaphonie” ; de même que le “sentiment de culpabilité” sans oublier le complexe de même farine. Je crois volontiers l’épistolier en question dans un dénuement assez total – pour ne pas employer le vocable de “crise”… –vis-à-vis des moyens d’expression. […] Car c’est merveille de voir sa “frivolité” (au sens de Valéry) se réverbérer négligemment (?) tout au long de cet article, sauf en quelques endroits – qui me chagrinent fort – où postulats et combativité arrivent tout à coup au pas de charge pour venir à la rescousse d’une pensée… disons réactionnaire. C’est ainsi que je note la constance des agressivités contre le dodécaphonisme, contre l’“intellect” – à la Benda ?? – contre la “forme” de ce siècle – en constant devenir, “quoiqu’on dise” – contre le silence. […] Je reconnais en toute bonne foi, l’inutilité du concert d’aujourd’hui, la carence de l’État, des Beaux-Arts. Tout le monde est d’accord sur ce point depuis les “progressistes” jusqu’aux chroniquailleurs “musicaux” et, par surcroit, hebdomadaires. Je ne crois pas à la facilité d’un développement sur ce thème, mais à son inutilité ; le moyen le plus sûr étant la mitraillette, comme il est écrit dans ces lettres, hélas ! à un autre propos. […] Je m’excuse d’être, à présent, obligé de parler de moi : mais on incrimine un article que j’avais écrit sur le rythme et on l’incrimine, je crois, sans l’avoir lu de très près. Je laisse à l’auteur de ces lettres toute liberté de trouver que ma musique sonne “morne, confus et dévertébré”. […] Mais passons sur cela : où je n’admets même pas la discussion, c’est lorsqu’il affirme que je n’ai pas “semblé” – cette fois le doute (?) y est, je le reconnais – “me soucier du résultat sonore de mes superpositions”. S’il avait lu le texte plus attentivement – le texte musical aussi bien que le texte explicatif – l’épistolier se serait sans doute aperçu que l’article était en partie centré sur la coordination ou l’antagonisme par lesquels on peut agréger les schèmes rythmiques à la répartition de l’espace sonore »… Etc. On joint le tapuscrit.
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