Lot n° 23

Pierre BOULEZ.

Estimation : 1500 / 2000
Adjudication : Invendu
Description
Manuscrit autographe, Schönberg est mort, [1952] ; 5 pages petit in-4. Brouillon très corrigé d’un important article sur Arnold Schönberg publié dans The Score en février 1952, et recueilli dans Relevés d’apprenti, Seuil, 1966), marquant son émancipation du père du dodécaphonisme. Le manuscrit, rédigé d’une écriture microscopique au stylo bille bleu, abondamment raturé et corrigé, porte en marge le compte du nombre de mots. « Prendre position quant à Schönberg ? C’est certainement une nécessité des plus urgentes ; c’est, néanmoins, un problème fuyant, qui rebute la sagacité ; c’est, peut-être, une recherche sans issue satisfaisante. [...] Car nous assistons avec Schönberg à un des bouleversements les plus importants que le langage musical ait été appelé à subir. Certes, le matériau proprement dit ne change pas : les douze demi-tons ; mais la structure organisant ce matériau est mise en cause : de l’organisation tonale nous passons à l’organisation sérielle. Comment cette notion de série est-elle venue à jour ? De quelles déductions est-elle le résultat ? En suivant cette genèse, il semble que nous serons bien près de déceler certaines divergences irréductibles. Disons, avant tout, que les découvertes de Schönberg sont essentiellement morphologiques »... Boulez étudie la discipline introduite par Schönberg sur l’emploi des intervalles et du matériau sonore, et analyse l’évolution de son œuvre depuis les Cinq Pièces pour piano de l’opus 23, « inaugural manifeste de l’écriture sérielle », qui marque « une nouvelle organisation du monde sonore » et arrivera à « une schématisation consciente » dans les Variations pour orchestre op. 31. Mais Boulez se montre critique à l’égard de sa tendance à l’« ultrathématisation » : « la confusion, dans les œuvres sérielles de Schönberg, entre le thème et la série est suffisamment explicite de son impuissance à entrevoir l’univers sonore qu’on appelle à proprement parler la série. Le dodécaphonisme ne consiste alors qu’en une loi rigoureuse pour contrôler l’écriture chromatique ; à ne jouer que le rôle d’un instrument régulateur, le phénomène sériel est, pour ainsi dire, passé inaperçu de Schönberg »… Et Boulez continue son analyse critique, pour affirmer : « Si l’échec Schönberg existe, ce n’est pas en l’escamotant que l’on entreprendra de trouver une solution valable au problème posé par l’épiphanie d’un langage contemporain ». Pour lui, il faudrait rechercher avec un Webern « l’évidence sonore en s’essayant à un engendrement de la structure à partir du matériau. Peut-être pourrait-on élargir le domaine sériel à des intervalles autres que le demi-ton : micro-distances, intervalles irréguliers, sons complexes. Peut-être pourrait-on généraliser le principe de la série aux quatre composantes sonores : hauteur, durée, intensité et attaque, timbre »… Pour Boulez, Schönberg n’est pas une sorte de Moïse avec les Tables de la Loi, et il conclut : « Schönberg est mort ». On joint le tapuscrit ; et une plaquette de présentation du disque L’œuvre pour piano de Schoenberg (avec texte de Boulez).
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