Lot n° 64

VALÉRY PAUL (1871-1945) - 4 L.A.S., une L.A. (inachevée) et un POÈME autographe, 1900-1926, à Paule GOBILLARD ; 10 pages in-8 et 2 cartes postales illustrées avec adresse, 3 enveloppes.

Estimation : 1 500 / 2 000
Adjudication : 1 820 €
Description
4 signed autograph letters, one unfinished autograph letter and an autograph poem, 1900-1926, to Paule GOBILLARD ;
10 pages in-8 and 2 illustrated postcards, 3 envelopes.Attached :
2 signed autograph letters by Paule GOBILLARD to Paul VALERY, dated 2 January and January 18 [1900] - Reply to the letter of 17 January, inviting Valéry to have dinner with the «horde» and an invitation to the Tuileries.

Charmante correspondance à sa belle-soeur.
[Le frère d'Édouard Manet, Eugène, avait épousé Berthe Morisot ; de cette union naquit Julie Manet.
De son côté, la soeur Berthe Morisot, Yves, Mme Théodore Gobillard, eut deux filles, Paule et Jeannie, qui, devenues orphelines, allèrent habiter avec leur cousine Julie.

Toute la famille demeurait au 40 rue de Villejust (immeuble construit en 1882 par les Eugène Manet).

Le 31 mai 1900, étaient célébrées les noces de Paul Valéry avec Jeannie Gobillard, et de Julie Manet avec Ernest Rouart.

Paule Gobillard (1867-1946) se consacra à la peinture, et resta célibataire.]

─ 17 janvier 1900. Lettre ornée du dessin aquarellé d'un drapeau rose et jaune marqué d'un K couronné (le K du Karako ou Caracos, surnom que s'était donné la bande de cousines).

«Mademoiselle, il m'a semblé dimanche, que toute la horde était un peu, comme moi, vacillante, à moins que, par transparence, mon propre état ne me la fit paraître telle. Comme je suis encore fort défait, endolori et sans gloire, j'espère faiblement venir savoir jeudi si le Karako florit tranquille, ou si le mal de l'hiver désole et déconfit cet intéressant petit peuple. [...]
Je prends la liberté de recommander le remède suivant dont l'efficacité contre le rhume ne vous échappera positivement pas :

Prendre méthode Léonard de Vinci, couper en petits morceaux, faire infuser avec une cuillerée de rhum, ajouter citron deux jaunes d'oeufs, dix gouttes essence de roses - faire revenir sur feu doux passer écumer.
Boire la moitié avant de se coucher - remplacer par du vieux rhum à mesure. Ce spécifique assure sudation et repos.

Quelques personnes emploient d'abord les premières pages de la méthode et préparent avec la 2e qui est plus énergique un cataplasme décisif».

─ Lettre inachevée à la «Chère et très noble Paule», non datée mais vraisemblablement de la première moitié de 1900 au temps des fiançailles, se demandant s'il ne doit pas s'excuser «près de vous, - qui demeurez, en somme, - sobre et pensante, - de vous donner, tous les jours, en spectacle, le reste ivre du peuple [...]
Je vois que vous ne savez plus où mettre vos célèbres regards, sinon sous vos mains ; et que parfois vous incommode d'une façon très complexe le mélange ridicule, poignant et tendre qui s'opère autour de vous.
Vous êtes comme toutes les personnes sensibles à qui il échoit d'apercevoir et de poursuivre une chose importante et définitive :
elles ont bien plus de courage pour concevoir et exécuter, que pour regarder ensuite leur œuvre faite :
comme si l'architecte avait peur de la cathédrale au lieu de trembler naguère devant son vide emplacement !
Je sais bien que peut-être maintenant - les autres arrangés - votre propre souci doit vous venir, et que vous ne vous trouvez pas la force, pour vous, que vous avez employée aux bonheurs d'alentour.
Ce serait à nous, à présent !.. Mais sans doute, - il y faudrait justement tous vos dons, et puis - vous qui avez confessé Jeannie - et qui m'avez fait confesser, vous ne vous confessez pas. Ce que vous nommiez hier votre "malaise moral", je crois, peut donner lieu à des suppositions infinies. Je me suis demandé si quelque chose vous avait blessé»...

─ [Paris 11 novembre 1901]. Amusant sonnet calligraphié à l'encre violette d'une élégante écriture contrefaite et signé «R. de M», avec enveloppe calligraphiée à Paule Gobillard à Saint-Georges de Didonne (Charente inférieure), intitulé A la Mer :
«Laupe d'un pied débile et trop bizarre, tâteNon sans le souvenir de fabuleux frissonsL'élastique Océan tourmenté de poissonsQui flairent le méthyle et la pieuse ouate»...

─ Lundi [1923]. Il se réjouit du succès de l'EXPOSITION de Paule :
«tu as pas mal vendu. Mes tableaux n'en sont pas encore là, mais enfin cela viendra. [...] Je voudrais savoir si Eupalinos paraît dans les librairies. J'ai reçu un exemplaire qui n'est pas mal. Il est vrai que c'est un Lafuma. Je passe mon temps, qui est chargé de nues, rayé de pluie, et tympanisé de tonnerres, à peindre et à tapoter mes divers cahiers»...

─ [Giens 14 mars 1925].
«Quelles marines on ferait avec ces iles et ces voiliers. [...] Il y a des criques très singulières, des roches jamais peintes - mais pas pour ton pied !»...

─ [Berlin] 3 novembre [1926].
Sur sa conférence : «Le Tout Berlin était dans les salons d'en haut, et moi dans les affres les plus atroces. J'ai dansé sur la corde roide - et j'espère n'être pas tombé»...

▬ On joint
• 2 L.A.S. de Paule GOBILLARD à Paul Valéry, 2 et 18 janvier [1900].
«La boite de fruits se désemplit. Laërte [le lévrier Julie Manet, offert par Mallarmé] a choisi une châtaigne qu'il a mangée avec recueillement »... -
• Réponse à la lettre du 17 janvier, invitant Valéry à venir diner avec «la horde», qui a beaucoup ri du remède.
«Le Karako, fier de son drapeau, vous souhaite moins névralgique»...
Plus
• un carton d'invitation aux Tuileries sous Napoléon III pour le conseiller- maître Morisot.
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