Lot n° 1405

MORET ERNEST (1871-1949) - 11 L.A.S., 1896-1912, à Jules MASSENET ; 63 pages formats divers la plupart in-8, certaines à l'encre rouge ou verte, une enveloppe et une adresse.

Estimation : 400 / 500
Adjudication : 435
Description
♦ Belle et affectueuse correspondance musicale d'un élève proche de Massenet.

─ Woerth-sur-Sauer 10 avril 1896. Ayant appris de Reynaldo HAHN que leur maître était souffrant, il l'exhorte à se reposer de son «effroyable et infatigable activité», puis lui parle longuement de Werther, «la plus belle partition qui soit sortie d'un cerveau humain - c'est le Hamlet du drame musical. Jamais on n'a mis autant d'émotion, autant de vérité, autant d'accents vibrants, autant de larmes que dans cette oeuvre»... Nul autre ne pouvait l'écrire, «car nul n'est autant que vous aussi profondément humain»...

─ Pornic 14 août 1896. En attendant Cendrillon il relit son «bréviaire», Werther, appréciant ses trouvailles théâtrales (il dénigre en passant les livrets de Saint-Saëns, Messager, etc.). Il se réjouit qu'on donne Manon à Vienne, lors du passage des souverains russes ; à notre Opéra, «on donnera la Valkyrie, à moins qu'on ne donne quelque chose de Théodore Dubois!»...

─ Paris 13 octobre 1896. Sapho l'a ému et emballé. «Maître, je suiscontent de vous. L'attachement immense que j'ai pour vous - attachement fait tout d'admiration, d'affection et de respectueuse sympathie - me permet de vous écrire cette phrase»...

─ 14 juillet 1898. Il a fini de revoir la partition d'orchestre [de Cendrillon] : «je n'ai eu que très peu de corrections à faire et je n'ai pas encombré votre partition. Malgré ce que nous avions convenu, j'ai mis des fiches de papier à musique et j'ai entouré la correction d'un cercle au crayon rouge»... Il explique ses quelques interventions, en esquissant quelques mesures de musique. «J'ai, en plusieurs cas, été très vivement étonné de vos coups d'archet par ce qu'ils avaient de "violonistique" et par le rendu certain»...

─ Sainte-Marie par Pornic 23 août 1898.
Vives émotions après la relecture de Sapho : seul Massenet a résolu ce problème insoluble «d'être "intime", d'une façon excessive même, et cependant de donner assez d'"en-dehors" pour porter loin. [...]
Gounod n'en a jamais donné que l'illusion»... Et pourtant Roméo est l'une des plus belles partitions qui soient... Il rejette violemment Salammbô de REYER et sa musique laide ; sa renommée est due à «un "gobage" sans bornes»...
Toutefois il admet, sous réserves, le Hänsel et Gretel de HUMPERDINCK, et il admire une nouvelle mélodie de HAHN, «très Reynaldo quant à la fluidité»...
Il critique enfin le quatuor de WAGNER : «ce n'est possible que pour un Allemand, le sentiment expressif pour eux ne réside que dans la masse. Ces violons, indisciplinés forcément puisqu'ils font ce qu'ils veulent, doivent avoir plus de pesanteur. [...]
Où Wagner a eu raison, un autre aurait tort, mais cependant je voudrais bien une fois voir employer dans un passage de force les violons divisés en deux, jouant la même partie mais avec d'autres coups d'archet afin d'arriver à n'avoir pas la moindre "respiration", qu'on n'entende pas l'archet se charger, et donner l'impression d'une chose démesurée et compacte à outrance»...

─ Sainte-Marie par Pornic 7 juillet 1900.
Il a couru après «ce fameux livret de Porto-Riche - qui se résume en une scène d'amour [...] elle ne me paraît pas excessivement musicale. Quant à la pièce - rien n'existe, ni le lieu, ni le début, ni le dénouement ni le drame. Seul, un compromis d'âme et de chair pour faire une scène. C'est peu et vraiment il aurait pu être plus modeste»... Commentaire du jugement de Carré sur Lorenzaccio...

─ Paris 5 mars 1912.
Explications confidentielles sur son silence :
«un drame intime et navrant qui me torture et déchire ma vie»... Etc.
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