Lot n° 718

VAN GOGH VINCENT (1853 - 1890) - L.A.S. «Vincent», Arles [22 janvier 1889], à Arnold KONING ; 4 pages grand in-8 sur 2 ff. (papier légèrement bruni avec petit cerne d'encadrement, plis un peu fendus); en néerlandais.

Estimation : 250 000 - 300 000 €
Adjudication : 338 000 €
Description
▬►Très belle lettre sur son hospitalisation à Arles, et sur ses tableaux, dont La Berceuse et les premiers Tournesols, à son ami et compatriote le peintre Arnold KONING (1860-1944).

Il le remercie de ses «voeux de nouvel an du nord de notre pays natal. J'ai reçu votre carte postale à l'hôpital d'Arles, où j'étais consigné, à l'époque, à cause d'une attaque de fièvre cérébrale ou de quelque autre fièvre, déjà presque disparue. Et en ce qui concerne les causes et effets de la maladie en question, mieux vaut les laisser à d'éventuelles discussions des catéchistes hollandais, quant à savoir si j'ai été ou suis encore, ou non - fou, ou fou imaginaire, ou considéré comme fou dans une chimère consistant seulement en sculpture. Et si non, si je l'ai été avant cette époque, le suis ou non à présent, ou le serai plus tard.
Vous ayant informé plus que suffisamment de mon état mental et physique... il vous paraîtra moins curieux que je ne vous ai pas répondu plus tôt. Mais en attendant, nous ne devons pas oublier de tenir bon.
Et à partir de là, je vous demande: qu'est-ce que vous peignez en ce moment, et comment travaillez-vous avec de la couleur ?
Je n'ai rien vu du tout de vos études envoyées à Théo [son frère] (je crois), malgré mes exhortations à faire un échange. Est-ce dû à Théo, qui peut-être avait d'autres préoccupations, ou à la distance non négligeable entre nous ?
Saviez-vous que Théo est fiancé, et se mariera bientôt avec une jeune fille d'Amsterdam ?
Après cette question concernant votre travail, quelques mots au sujet du mien. À l'heure actuelle j'ai en cours, ou plutôt sur le chevalet, un portrait de femme [Augustine ROULIN: La Berceuse, Museum of Fine
Arts, Boston].
Que j'ai appelé “la berceuse” [en français dans le texte], ou comme nous dirions en néerlandais avec Van Eeden [...] “notre berceuse”, ou la femme près du berceau.
C'est une femme habillée de vert (torse vert olive et jupe vert pâle Véronèse). La chevelure est tout à fait orange et en nattes.
Le teint est préparé en jaune de chrome, avec quelques nuances, bien entendu, afin de façonner. Les mains qui tiennent le cordon du berceau idem idem. L'arrière-plan est un fond vermillon (représentant simplement un plancher en carreaux ou briques). Le mur est recouvert de papier peint, évidemment pensé par moi par rapport aux autres couleurs.
Ce papier peint est bleu-jaune aux dahlias roses, et parsemé d'orange et de bleu d'outremer. Je crois être assez parallèle à Van Eeden, en cela, et par conséquent ne considère pas son style d'écriture comme non-parallèle à mon style de peinture, en matière de couleur. Quant à savoir si j'ai réellement chanté une berceuse avec de la couleur, je laisse cela aux critiques, en particulier ceux mentionnés ci-dessus. Mais nous avons assez parlé de ceci jadis, n'est-ce pas ? De l'éternelle question de couleur qui nous guide, dans la mesure de notre sangfroid.
En tout cas, en quittant l'hôpital j'ai peint le portrait de mon propre médecin [Felix REY, Musée Pouchkine, Moscou]. Et je n'ai pas tout à fait perdu mon équilibre comme peintre.
Mais évidemment j'ai peint beaucoup plus d'études ou tableaux, pendant ce temps.
Parmi d'autres choses cet été, deux compositions florales avec rien que des Tournesols dans un pot en terre jaune. Peint avec trois jaunes de chrome, de l'ocre jaune et du vert Véronèse et rien d'autre. [Neue Pinakothek, Munich, et National Gallery, Londres.]
Cependant je suis toujours à Arles, et à votre disposition pour une correspondance épistolaire ou une étude peinte.

Théo est allé voir BREITNER, récemment, et dit de son oeuvre qu'il croyait Breitner le meilleur peintre et penseur d'entre vous, là-bas»...
http://vangoghletters.org/vg/letters/let740/ letter.html
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