Lot n° 412

BLOY Léon (1846-1917). CARNET autographe, 1870-1871 ; carnet in-12 d’environ 46 pages à l’encre ou au crayon, les contreplats recouverts de notes et d’un dessin original (qqs ff. blancs), couverture toile noire.

Estimation : 4 000 - 5 000 €
Adjudication : 5 850 €
Description
Carnet de la guerre de 1870, alors que Bloy est mobilisé dans la Garde nationale ; le carnet sera utilisé pour les contes de Sueur de sang.

Minute de lettre à son ami Georges Landry :
« Comme tu dois porter saignantes les plaies de la France, de cette grande nation catholique, coupable d’avoir prostitué son mâle génie à des doctrines de néant et qui à cette heure terrible, sue par le cœur de tous ses enfants, le poison qu’elle n’avait plus la force de vomir et qui finirait par lui dévorer les entrailles si la miséricordieuse Providence n’intervenait pas par cette épouvantable purification »… Prière du B. Benoit Labre. Minute de lettre à des amis sur la situation politique, critiquant le gouvernement de Bordeaux et appelant à voter pour les candidats de la liste de Thiers, pour « l’ordre et la paix » :
« La guerre ou la paix, l’ordre ou le désordre. D’un côté l’épouvantable perspective d’une guerre atroce, insensée, sans solidarité, sans ensemble, sans aucun centre d’action avec M. Gambetta sur le dos, par-dessus nos sacs. De l’autre côté une paix affligeante mais nécessaire »…

Longue lettre à son ami Victor Lalotte, racontant sa campagne depuis le départ de Périgueux jusqu’à l’armistice, avec le récit de la bataille de Vibraye :
« le 4 Xbre (ce jour est inoubliable pour moi) vers 9 h du soir, on vient apprendre à notre commandant que l’armée française que nous croyions derrière nous a repassé la Loire que les Prussiens ont repris Orléans que nous sommes absolument seuls en face d’un corps d’armée de 50 000 prussiens campés à 2 kil. Nous levons le camp immédiatement, nous traversons au milieu de la nuit les lignes ennemies avec un bonheur inouï et nous marchons ainsi pendant 30 heures, sans repos, sans pain et avec un froid terrible qui a fait geler la Loire. […] Cependant les Prussiens avaient juré de prendre les redoutables soldats de Cathelineau et ils ne cessèrent de nous poursuivre pendant 8 jours et 8 nuits. […] À Vibraye, pas un soldat français, M. de Cathelineau avait la consigne d’attendre, il attendit. À midi, l’armée Prussienne arriva, nous étions toujours seuls, 1 contre 30. Nous tinmes 2 heures. […] Comment ne suis-je pas mort, c’est le secret de Dieu. Je fus pendant près d’une heure presque seul sur une colline, complètement à découvert – le corps ceint d’une flamboyante écharpe rouge visible à 2 lieues, exposé au feu de plus de 3.000 tirailleurs prussiens »… Autres minutes de lettres, notes diverses, listes d’hommes affectés aux corvées, camarades d’armes de diverses compagnies, emplois du temps, comptes, références bibliographiques, noms et adresses, citations…
Poème : L’Amour mouillé. « Liste de ceux à qui je suis redevable d’un peu de repos durant cette affreuse campagne de 1870 »…

Dessin au crayon sur le contreplat : portrait d’homme moustachu en buste…

Exposition Léon Bloy (Jean Loize 1952, n° 181).
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