Lot n° 80

Stéphane MALLARMÉ - Lettre autographe signée adressée à Armand Renaud. Tournon, « Lundi 27 juin » [1864]. 4 pp. in 8.

Estimation : 3 000 - 4 000 €
Description
« J’ai besoin d’hommes, de parisiennes, de musique et de tableaux. Je suis déjà aux trois quarts abruti »

Mallarmé se plaint du silence de son ami :
« Nous restons bien longtemps sans rien entendre l’un de l’autre. Que faites-vous ? Et, d’abord, pour me débarrasser des questions, n’avez-vous pas fait représenter une pièce à Versailles ? Je crois le savoir par Emmanuel [Emmanuel des Essarts]… »

Puis à propos d’articles en cours : « …l’article que j’ai fait sur les chers Caprices de boudoir [d’Armand Renaud] a-t-il paru dans l’Artiste ?... Je viens d’en terminer un sur les Flèches d’Or [d’Albert Glatigny, paru la même année]… : Les vers y sont d’une ampleur lyrique qui me ravit…Et j’ai encore à écrire sur Philomela ! [de Catulle Mendès] Ces trois articles seront certainement ceux que j’aurai faits avec le plus de charme, pouvant, derrière les poètes, voir des amis. »

Mallarmé poursuit sur ces travaux en cours : « J’ai fait peu de vers depuis ceux que j’ai envoyés à Cazalis, mais quelques poèmes en prose…et une symphonie littéraire où Th. Gautier, Baudelaire, et de Banville entrent comme motifs… » puis forme le projet de rencontrer son ami à Marseille ou à Tournon.

Il termine en évoquant la future naissance de son enfant : « Une chose, hélas ! empoisonnera mes vacances. Vous savez que ma femme [Marie Gerhard, avec il est marié depuis un an] me promet pour cet automne un berceau garni d’un baby [sa fille Geneviève qui naitra le 19 novembre] : or, elle ne pourra pas, sans risquer la vie de son enfant et la sienne, venir à Paris, et, ne connaissant personne aux environs, sera obligée de demeurer à Tournon. Cela sera bien amer pour moi. Je resterai auprès d’elle autant que possible, mais je ne saurais, sous peine de déchéance spirituelle, rester toujours – j’ai besoin d’hommes, de parisiennes, de musique et de tableaux. Je suis déjà aux trois quarts abruti… »

En 1864, Stéphane Mallarmé vient d’être nommé professeur d’anglais au lycée de Tournon-sur-Rhône en Ardèche. Pendant l’été, il effectue plusieurs voyages à Avignon où Emmanuel des Essarts lui fera connaître les félibres, poètes de langue provençale, Frédéric Mistral et Théodore Aubanel.

─ Références :
• Correspondance de Mallarmé (H. Mondor et J.-P. Richard puis L.J. Austin 1959-1985, Gallimard) et Lettres sur la poésie 1872-1898 (Bertrand Marchal, coll. Folio, Gallimard, p.183).
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