Lot n° 121

Émile ZOLA - Lettre autographe signée adressée à sa « chère femme » en voyage à Rome. Paris, 13 novembre 1895. 3 pp. in-8.

Estimation : 1 500 - 2 000 €
Description
♦ Longue lettre écrite à sa femme en séjour en Italie alors que Zola termine l’écriture de Rome, second volume de la série des Trois villes.

Zola évoque les visites de son épouse à Rome et une soirée parisienne :
« …ta seconde lettre de Rome, reçue ce matin, m’a intéressé infiniment. En as-tu fait des visites, dimanche ! Je revois tout ce monde-là, et ça m’amuse. Je ne crois pas que les Hébert [le peintre Ernest Hébert (1817-1908) avait reçu Zola à Rome un an plus tôt pour la préparation de Rome] surtout lui, soient de fausses bonnes gens mais naturellement, ils ne pensent pas comme moi. Tous les autres te donneront la comédie, car ils ont peur au fond, c’est visible. Enfin tout va pour le mieux, puisque Rome te distrait. J’ai dîné ce soir chez les Charpentier [les éditeurs Georges et Marguerite Charpentier qui ont notamment publié L’Assommoir en 1877] Le père, la mère, la fille et moi : en tout quatre, j’ai préféré cela. Un bon petit dîner, et ç’a été très gentil en somme. Nous avons causé de ton voyage, de l’Italie, de Venise, de Goncourt qui est prodigieux de santé, de Daudet qui va doucement, de Léon [Daudet qui a épousé Jeanne Hugo, petite-fille de Victor Hugo en 1891] qui est en Espagne avec Georges Hugo [le fils de Charles, petit-fils de Victor] et sa femme (tu vois la joie de Madame Lockroy), de Lockroy [Edouard Lockroy, à la tête du ministère de la Marine, qui a épousé la veuve de Charles Hugo] aussi qui est ravi d’être à la Marine, un rêve caressé paraît-il, de Georgette dont le ménage menace d’être troublé par sa passion exclusive pour son enfant, de Fasquelle [Rome paraîtra chez Charpentier et Fasquelle en 1896] qui va cahin-caha, enfin de tous et de tout. Je les ai quittés à onze heures, et je suis rentré pour t’écrire... »

Puis lui fait partager son quotidien et les nouvelles familiales :
« Petites nouvelles – Fouquet, le joaillier, est venu me montrer des bijoux. Aucun ne m’a plu, et, bien qu’il parlât d’occasions, j’ai trouvé les prix excessifs.

Je lui ai dit que tu étais en voyage…. – Simonis notre fumiste de Médan, est venu me demander deux cents francs, d’acompte, et je les lui ai donnés. – Mariani m’a fait de nouveau cadeau de quatre bouteilles de whisky. Mais, cette fois, il y a joint douze bouteilles de son vin, ce qui est plus sérieux. J’en ai entamé une après mon déjeuner, et un petit verre m’a grisé. Décidément toutes ces préparations pharmaceutiques où il entre de l’alcool, ne me valent rien. Tu t’en régaleras... La dernière oie a eu le cou pris dans une des petites portes de la canardière, et comme elle n’allait pas bien, Léonie a préféré la tuer et me l’envoyer. Bon Dieu ! quel gros morceau pour moi tout seul !... Tu dois savoir qu’Albert n’est qu’admissible, c’est-à-dire qu’il a été reçu à l’écrit, mais pas à l’oral. Amélie doit en être chagrine, car elle désirait bien vivement qu’il gagnât une année. Lui, en paraît déjà consolé. Il va rentrer au lycée… »

Je cherche toujours quelque commission à te donner et je ne trouve pas. Si tu pouvais me rapporter mon roman fini, ce serait encore ce qui m’irait le mieux ; mais tout ce que tu me rapporterais ne ferait que l’allonger, et en vérité je n’y tiens pas… »
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