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FONDS PIERRE BERES - 80 ANS DE PASSION. Des incunables à nos jours 4ème partie . Catalogues et résultats des ventes du Lundi 17 et Mardi 18 décembre 2007.

Estimation : - 1
Description

Pierre Berès, à l'état civil Pierre Berestovski, est un libraire, éditeur et collectionneur d'art français d'origine russe, né le 18 juin 1913, à Stockholm, et mort le 28 juillet 2008, à Saint-Tropez ; il est inhumé au cimetière de Passy, à Paris.

FONDS PIERRE BERES - 80 ANS DE PASSION. Des incunables à nos jours. L'une des grandes raisons du succès de Pierre Berès dans sa carrière de libraire tient à cette parfaite maîtrise de la bibliographie dont il a toujours su faire preuve, dans ses catalogues comme au gré de sa conversation. Pierre Berès a comme transformé une fois pour toutes en une savante alchimie appelée goût cette masse de livres, en apparence indisctincte, que les anglais nomment books about books.

Cela suppose des heures de travail : la lecture approfondie des livres sur l'histoire du livre, de la typographie, de l'illustration et de la reliure, celle des catalogues de ventes aux enchères ou de libraires, notamment celle - régulière - des catalogues des grandes ventes des siècles passés, celle des monographies et des catalogues de collections publiques aux savantes collations, celle des biographies, et enfin la lecture - régulière aussi - des grandes études et des textes eux-mêmes.

À l'âge de l'extrême rapidité de l'offre d'information par internet et de la malheureuse réduction à quelques centaines du nombre des titres de livres et manuscrits rares et précieux recherchés par les amateurs, la bibliographie d'un libraire comme Pierre Berès rappelle que ces books about books sont d'abord les instruments de gymnastique mentale d'un amateur de livres. Leur usage nécessaire et quotidien entretient la mémoire, suscite des découvertes et des redécouvertes, nourrit et élargit le goût. Ne pas en avoir sur sa table de nuit est dangereux. (Jean-Baptiste de PROYART)

Ça a commencé comme ça, dirait Bardamu. «Je lisais beaucoup. A 11-12 ans, Corneille, Racine, Bossuet, Vigny, puis Verlaine, Rimbaud, Lautréamont. A 14-15 ans, j'achetais les premières éditions des auteurs à la mode, Kessel, Duhamel, le Prix Goncourt Bedel. En 1931, au 3e étage de la rue Vaneau, chez ma mère qui parlait l'anglais comme le français, je disposais d'une chambre et d'une autre attenante. Là, à 17 ans, est né mon premier catalogue», raconte Pierre Berès, octogénaire très improbable. Le premier prêt maternel, «50 000 F, beaucoup d'argent pour qui n'avait pas de fortune, dépensé en huit jours ! Je savais ce que je voulais, une lettre autographe d'Oscar Wilde, un poème de Verlaine à Rimbaud».

Voilà le début d'une longue carrière, lancée par des rencontres au culot (Gide, Paul Morand) et des coups dignes du poker (achat en 1957 de la collection formée au XVIe par les patriciens Pillone). Qui a rencontré Pierre Berès connaît l'esthète, ici un petit bronze de Matisse et là un homme pensif par Le Fresnaye, l'ami de grands collectionneurs comme Jaime Ortiz-Patiño, le solitaire dont le bureau privé plonge dans le jardin du Musée Rodin. «Trois épithètes pour un personnage ? Intelligence, goût et ambiguïté... Pierre est le prince de l'ambiguïté, il y a de l'ombre dans le tableau», s'amuse Pierre Bergé, fier que son «vieil ami ait commencé comme moi à 18 ans, jeune courtier en librairie avec l'assurance que donne le goût de connaître et d'avoir raison».

Au panthéon des plus grands libraires du XXe siècle, notez A.S.W. Rosenbach qui acheta 1 950 $ en 1924 aux enchères à New York le manuscrit d'Ulysse de Joyce («cathédrale de prose» déposée au Rosenbach Museum & Library de Philadelphie), l'Italien Tammaro de Marinis qui connut toute l'aristocratie de l'Europe, les Kraus, Américains d'origine viennoise, et les Breslauer, dynastie entre Berlin et New York dont Christie's a vendu la collection bibliographique au printemps. Palmarès établi par le grand érudit qu'est Félix de Marez Oyens, conseil en bibliographie à Paris, toujours sur le «Board» de Christie's, et directeur de la fondation Breslauer à New York. «L'histoire retiendra-t-elle Pierre Berès, au-delà de sa vision, de son art psychologue et de ses victoires ?», s'interroge son ex-associé, Néerlandais qui a deux grands hommes, Johan Huizienga et Érasme, austères en diable.V. D.

Le Figaro - Vendredi 15 juillet 2005. Valérie Duponchelle

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